A 13H10 exactement, vendredi 22 novembre 2013, dans la salle 506 du tribunal fédéral de New York, dans le Sud de Manhattan, un jury composé de 4 femmes et de 3 hommes se sont installés pour rendre leur verdict dans le procès qui opposait l’Agence France Presse et Getty Images au photographe Daniel Morel. Il était question de déterminer si les deux institutions avaient volontairement violé les droits du photographe et, le cas échéant, a quel montant devait etre fixée la compensation.
Quelques minutes avant l’entrée du jury, l’audience avait été tirée de sa torpeur par un US Marshal annonçant sous la direction du juge Alison Nathan que le jury était parvenu a une décision pour chacune des 28 charges pesant sur l’AFP et Getty Images.
La salle était plongée dans le silence tandis que les avocats de Daniel Morel, de l’AFP et de Getty retenaient leur souffle aux cotés d’une douzaine de spectateurs à peine en attendant la lecture du verdict. La troisième question a rapidement été atteinte : “Est-ce que l’AFP a volontairement violé les droits de Daniel Morel en utilisant sans sa permission ses photographies du tremblement de terre de janvier 2010 en Haiti ?” Verdict : oui. Meme chose pour Getty Images. Ont-ils violé les droits de Morel ? Oui. Et en réponse a la cinquième question, le jury a fixé le montant des compensations a 1,2 million de dollars pour l’ensembles des 8 images utilisées illégalement. On pouvait entendre des murmures sonores agiter la salle.
Le verdict a suscité de nombreuses réactions parmi les spectateurs, quant a la sévérité de la sanction et de l’irrévocable responsabilité des deux agences.
C’est la première fois qu’un organe de presse de cette taille était déclaré coupable de violation du droit d’auteur pour des images transmises par Internet.
Les images en question avaient été publiées par le photographe sur Twitter au moment du tremblement de terre en Haïti. Lisandro Suero, un adolescent de Dominique Républicaine, a re-tweeté les photos en les associant a son nom, créant une certaine confusion quant a leur paternité. Si l’AFP et Getty Images ont tout d’abord attribué ses photographies à Suero, ils ont su dès le premier jour qu’elles étaient en réalité celles de Morel. Les deux agences ont alors tenté de supprimer les images, non sans entrer en conflit avec Morel. Leur désaccord avait en janvier 2013 fait l’objet d’un procés auprès du tribunal fédéral de Manhattan, dont le verdict avait établi l’AFP et Getty Images coupables de violation des droits de Morel selon le DMCA (Digital Millennium Copyright Act). Restait alors a déterminer si les deux agences avaient agi délibérément.
La décision de vendredi fera sans nul doute référence dans l’histoire de la défense des droits d’auteur des photographes. C’est également un avertissement pour les agences et autres publications, un rappel de l’absolue nécessité d’obtenir le droit de publier les images avant de les diffuser. A partir d’aujourd’hui, les photographes peuvent se réjouir sur la non-ambiguité du verdict. La cour fédérale américaine a défendu leurs droits à l’ère digitale. Comme Daniel Morel le déclarait, il a mené ce process “parce que quelqu’un devait défendre les droits des photographes.”
Robert Stevens écrivain/historien