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Dana Gluckstein: “Je suis toujours intéressée par la dignité du modèle”

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Dana Gluckstein a photographié des figures emblématiques dont Nelson Mandela, Mikhaïl Gorbatchev, Desmond Tutu et Muhammad Ali, ainsi que des campagnes publicitaires primées pour des clients comme Apple et Toyota. Ses portraits figurent dans les collections permanentes de musées comme le Los Angeles County Museum of Art et le Santa Barbara Museum of Art. Son ouvrage, DIGNITY: In Honor of the Rights of Indigenous Peoples (DIGNITÉ: En l’honneur des droits des peuples autochtones), et l’exposition internationale dans des musées qui lui est associée, DIGNITY: TRIBES IN TRANSITION (DIGNITE: Tribus en transition) lui ont apporté une reconnaissance internationale.

DIGNITY, en association avec Amnesty International pour son 50e anniversaire, a aidé à persuader le président Obama d’adopter la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. En 2011, l’exposition de photographie DIGNITY a été présentée aux Nations Unies à Genève. Gluckstein a parlé au Forum économique mondial 2013, à Davos, en Suisse, sur la manière dont l’art peut améliorer l’état du monde. Diplômée de l’Université de Stanford, Gluckstein a étudié la psychologie, la peinture et la photographie, et s’est rendue compte du pouvoir que possèdent les images pour éveiller la conscience. Elle vit à Los Angeles avec son mari et ses deux enfants.

Sara Tasini : Dans une vidéo que j’ai regardée, vous avez dit que vous vous êtes sentie “appelée” à voyager dans des lieux reculés pour photographier les peuples et les cultures autochtones. D’où provient cette vocation ?

Dana Gluckstein : Plusieurs réponses sont possibles. J’ai grandi dans une famille très cultivée et nous avons fait plusieurs voyages en dehors des États-Unis, dans des endroits comme le Mexique et l’Europe, où j’ai connu d’autres cultures pour la première fois. Ma mère était très intéressée par l’art. Elle et mon père étaient collectionneurs. Nous avions une collection d’art tribal et j’ai grandi entourée d’objets intéressants. Ces images ont toujours imprégné mon subconscient.

Ma vocation a également dérivé de ma carrière publicitaire, quand j’ai été envoyée pour la première fois dans des coins reculés. J’étais jeune et sans attachement, passionnée de photographie, et après mes commandes j’allais explorer. Mon premier voyage a été en Haïti, et en fait, la couverture de Dignity est une photo prise durant ce premier voyage.

D’après vous, d’où vient votre don naturel pour la photographie ?

Ma formation dans le domaine artistique s’est développée dans ma jeunesse. J’ai utilisé entre autres la peinture et le dessin, et j’ai découvert la photographie lors de ma dernière année à Stanford. Je suis tombée complètement amoureuse de la photographie. J’aime dire qu’elle a « cliqué ».

Vous avez dit que vous avez étudié avec différents maîtres spirituels pour comprendre la signification profonde de votre travail. Cela semble fascinant – pourriez-vous nous en dire un peu plus sur cette expérience ?

Un de mes maîtres spirituels était le célèbre moine bouddhiste vietnamien Thich Nhat Hanh. Il a expliqué qu’il faut savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on va. La période entre 20 et 30 ans a constitué un temps important de questionnement dans ma vie. J’étais une photographe commerciale et je ressentais une profonde attirance pour les cultures éloignées et tribales. Après un long questionnement et beaucoup de méditation, j’ai finalement compris que ce que je faisais en dehors de la publicité était plus qu’un simple passe-temps, c’était ma vocation.

A part mes maîtres spirituels, une autre influence très importante a été un mentor brillant, Robert Sobieszek, ancien conservateur de photographie du Los Angeles County Museum of Art. C’est lui qui a réaffirmé l’importance des centaines d’images que j’avais prises. Il m’a expliqué qu’elles n’étaient pas des données ethnographiques ou anthropologiques, mais reflétaient le fait que j’étais une artiste qui réinventait le portrait spirituel. Il a compris les quinze ans de travail que j’avais faits et les a redéfinis.

Comment la photographie peut-elle capter la dimension spirituelle d’un modèle ou d’un groupe de personnes ?

C’est toujours le point de vue de l’artiste. Par exemple, Diane Arbus avait une affinité avec l’étrangeté de ses modèles. Quant à moi, je m’intéresse toujours à la dignité du modèle, à l’essence de l’espoir et au lien profond qui existe entre les humains. J’aime ce que dit Tim Wride, conservateur du Norton Museum of Art : «Les photographies distillent l’universalité de l’expérience qui nous relie tous sans diminuer la dignité de l’individu ».

Vous avez beaucoup voyagé dans certains des endroits les plus reculés du monde et vous avez vu une “collision de cultures” dans certains endroits. Pourriez-vous nous en dire plus sur cette collision et où elle est la plus répandue ?

En Namibie, j’ai pris une photo de deux amies, l’une avec un soutien-gorge et sans chemisier, et l’autre avec un téléphone portable en plastique suspendu à son cou comme un collier. Une autre image a été prise au Bhoutan. Elle montre un jeune garçon vêtu du gho (une robe traditionnelle) et tenant un fusil-jouet à une cérémonie religieuse. Cette intersection montre comment l’introduction de la télévision au Bhoutan au début des années 1990 a eu un impact sur les gens. Dans ces images, vous pouvez voir très clairement la collision des cultures

Dans vos voyages, avez-vous été en mesure de former des liens forts et des amitiés avec vos sujets ? Avez-vous poursuivi ces relations ?

Partout où je voyage, je cherche toujours à susciter une relation de respect et d’honneur. Dans les premières années avant l’email, il n’était pas possible de rester en contact avec les sujets de mes portraits, mais maintenant je peux rester connectée. J’envoie toujours un portfolio de photos et je fais un don pour quelque chose dont le village a besoin. Avec mes moyens limités d’artiste, j’essaie toujours de donner en retour. Et surtout, les sujets comprennent que les images que je prends d’eux vont être importantes pour transmettre leur culture au reste du monde.

Au cours de vos trente ans de photographie des cultures indigènes, laquelle a fait le plus grand saut vers la modernité et laquelle a conservé son identité ?

Eh bien, elles sont toutes en difficulté. À Hawaï il y a une forte et active quête politique et culturelle pour préserver la culture hawaïenne native. Il en a été de même en Australie avec les peuples aborigènes et au Bhoutan. Toutes les cultures progressent vers la modernité, c’est donc délicat de fusionner les traditions du passé avec le progrès global.

Ceux qui regardent vos photos disent que vous captez la dimension spirituelle de vos sujets dans vos portraits, et que vous parvenez à dépasser la surface que beaucoup d’autres photographes de portrait ne peuvent pas dépasser. Ce phénomène est-il dû à votre vision et ou aux caractéristiques uniques de vos sujets ? Autrement dit, pensez-vous que vous pourriez obtenir le même résultat avec n’importe quel sujet de portrait ?

Je pense que c’est dû à ma vision parce que mon travail publicitaire a capté la même chose. Un de mes directeurs artistiques préférés à Chiat Day Advertising a regardé ma photo, Femme Haïtienne avec Pipe, et m’a dit que c’était l’ambiance qu’il voulait pour la campagne publicitaire – le même sentiment de dignité.

Quelle est d’après vous votre plus grande réussite en termes de carrière ?

Certainement mon livre DIGNITY parce qu’il a servi d’argument pour que le président Obama adopte la Déclaration des Nations Unies des droits des peuples indigènes en 2010. De concert avec Amnesty International, nous avons mis en place une campagne et avons demandé à des milliers de personnes d’écrire au président le pressant d’adopter immédiatement la déclaration de l’ONU.

Deux autres réalisations et honneurs très importants ont été l’invitation à exposer DIGNITY aux Nations Unies à Genève et l’invitation à prendre la parole au Forum économique mondial de Davos en janvier dernier.

Votre travail est motivé par le désir de promouvoir les droits des peuples et cultures autochtones dans le monde entier. Que pourriez-vous suggérer à d’autres personnes qui ne possèdent pas vos dons photographiques ou créatifs pour contribuer à protéger les droits et à préserver les cultures des peuples autochtones ?

Je conseille aux gens d’avoir une réelle sensibilité quand ils voyagent, de parler avec des guides et d’en apprendre davantage sur les cultures qu’ils approchent. Ils doivent se connecter de manière responsable et se renseigner autant que possible sur les luttes des gens dans les endroits qu’ils visitent.

Il y a aussi des centaines d’organisations dans le monde qui travaillent pour la survie et la protection des peuples autochtones : Amnesty International, Indigenous Rights Division, et Cultural Survival, pour n’en nommer que quelques-unes. Il y a de nombreuses occasions de s’impliquer dans ces questions, même ici, dans notre propre pays.

Qu’espérez-vous susciter lorsque les gens regardent vos photos ?

J’espère que le spectateur sera transporté, qu’il sera émotionnellement et spirituellement amené à ressentir un certain type de lien. Une image forte doit transcender et être intemporelle.

Cette interview fait partie d’une série menée par la Galerie Holden Luntz, basée à Palm Beach, en Floride.

Propos recueillis par Sara Tasini

Holden Luntz Gallery
332 Worth Ave
Palm Beach, FL 33480
Etats-Unis

http://www.holdenluntz.com/

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