Il est assez rare pour un photographe de dévoiler ses planches contact, alors qu’elles constituent une documentation precieuse pour les chercheurs, et une source rassurante pour les photographes. Magnum Photos avait eu l’audace d’en publier une large compilation il y a quelque temps mais cette démarche reste exceptionnelle. Moriyama prend le relais, avec ce qui correspond au travail de toute une vie, une somme de planches contact alignées sobrement et sans espace blanc sur les 300 épaisses pages de l’ouvrage. Une quantité d’images a donner le vertige, qui invite a se perdre dans des kilometres de compositions noir et blanc tantot verticales, tantot horizontales, suivant sans contrainte chronologique les accidents d’une vie agitée et d’une créativité libérée. Aucune légende ni date ne rompt l’invariable défilement des cadres imprimés en taille réelle. Seuls apparaissent la marque et la numérotation du film, laissé vierge de toute intervention du photographe ou d’un éditeur quant au choix des images. Fil rouge de ce labyrinthe visuel, certaines images se démarquent et guident naturellement l’œil du lecteur, soit parce qu’elles sont mythiques, soit parce qu’elles sont les seules vues ou presque d’une meme scene. Cette alternance de clichés maintes fois répétés, parfois presque obsessivement – et finalement la plupart du temps manqués – et de vues uniques rappellent le statut de l’image, la patience ou la spontanéité qu’elle impose, et, dans le cas d’un photographe comme Moriyama, éclaire une œuvre dirigée par les circonstances violentes ou tendres d’un quotidien débridé. On y voit l’affirmation d’une écriture au charbon, de cadres déstructurés et d’un mouvement incessant. On y reconnaît des themes recurrents dans une œuvre qui s’étale sur 50 ans, documentant inlassablement les mœurs du Japon de l’apres-guerre. Cette galerie aléatoire et massive impressionne et fascine mais, une fois passées la surprise et la curiosité, on se met a regretter un editing strict qui assure a chaque chef-d’œuvre éditorial d’etre ouvert et réouvert sans lassitude.
Laurence Cornet
“Labyrinth” – Photographies de Daido Moriyama
Editions Aperture
304 pages
Designed by Hiroshi Nakajima
80 $
ISBN : 978-1-59711-217-8
