Dans cette table-ronde organisée à la BNF, les intervenants ont débattu des grands défis que représente l’arrivée de l’intelligence artificielle dans le domaine culturel. Une révolution dont il est difficile de percevoir l’ampleur, mais qui pose déjà de nombreuses questions et promet de changer le monde de la création.
« Je considère que l’IA est une sorte de muse qui élargit mon inspiration » confie l’auteur- compositeur Jean-Michel Jarre. Invité à cette table-ronde, il raconte comment il s’est mis à travailler avec l’IA sur ses propres morceaux de musique et combien cela était naturel de s’emparer d’une nouvelle technologie. « Depuis l’Antiquité, la science et la musique sont liés » rappelle ainsi de son côté Cécile Rap-Veber, directrice Générale de la Société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) qui ajoute : « les créateurs sont les premiers à découvrir une innovation et à s’en servir. »
De fait l’IA n’est plus une nouveauté dans le domaine culturel. Pas un jour sans qu’une œuvre artistique n’éclose avec la machine. « 40 % des auteurs ont déjà testé des logiciels d’IA contre seulement 23% des habitants en France » révèle ainsi Marie-Anne Ferry-Fall, directrice Générale de la Société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques qui s’appuie sur une enquête réalisée en interne. « 60 % ont considéré que les résultats étaient impressionnants et 85% d’entre eux ont montré de l’inquiétude quant au devenir de l’IA. » résume-t-elle aussi.
Propriété intellectuelle
Dans ce contexte, comment imaginer un juste « partage de la valeur », une éthique qui permet de rétribuer correctement les auteurs ? « L’IA générative, c’est un véritable pillage des données » estime de son côté Pascal Rogard, directeur général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) qui va même jusqu’à traiter les entreprises du secteur de « bande de voleurs. » « La bataille que l’on doit mener, c’est d’obtenir que le droit d’auteur favorise la création et n’empêche pas l’innovation ». Il cite par exemple Netflix qui a beaucoup investi dans la création en France. Des propos corroborés par l’intervention d’Alexandra Bensamoun, universitaire spécialisée en droit de la propriété intellectuelle et en droit du numérique et chargée par le ministère de la Culture de réaliser un rapport sur le sujet.
« Il y a trois mots dans les lettres du terme « ART » : Autorisation, Rémunération et Transparence » martèle-t-elle tandis que Cécile Rap-Veber assure que « ce n’est pas trop tard » et que la France a toujours en pointe dans la réglementation dans le domaine artistique. C’est ce que rappelle aussi Pascal Rogard en faisant quelques minutes l’historique de la SACD qui a été créée par Beaumarchais et des acteurs qui voulaient être mieux rémunérés pour leur travail dans le théâtre.
« Les opérateurs de l’IA ont tout à fait intérêt à ce que vivent les créateurs » insiste de son côté Marie-Anne Ferry-Fall. D’où l’importance d’un droit international sur la question avance Alexandra Bensamoun et de conclure : « Un monde sans culture, c’est un monde sans humanité. »
Par Jean-Baptiste Gauvin