Les étoiles et la pluieStars and Rain.
Avril 2010, alors que je démarre mon reportage sur Victoire, une jeune femme autiste habitant en Belgique, des questions commencent à se poser naturellement concernant la situation des enfants autistes dans le monde. Je décide alors de m’informer et de démarrer des recherches sur l’autisme en dehors de l’Europe.
Je commence alors à m’intéresser particulièrement à la situation de l’autisme en Chine. Pourquoi la Chine ? La Chine est le pays le plus peuplé au monde et proportionnellement, le nombre d’enfants autistes est plus important que nulle part ailleurs.
Les derniers chiffres officiels indiquent qu’en 2011, il y avait plus de 500 000 enfants autistes mais de récents chiffres tendent à montrer que le nombre réel est plus proche de 2 Millions d’enfants.
L’autisme est reconnu en Chine seulement depuis 2006 et selon des informations recueillies par l’ONG Stars and Rain de Beijing, il n’y aurait actuellement qu’une vingtaine de médecins, à travers le pays, capables de diagnostiquer des enfants atteints du spectre autistique.
Culturellement, la Chine rencontre également beaucoup de mal à accepter les différences. D’ailleurs, en Chine, la plupart des parents d’enfants autistes ou d’enfants handicapés ont énormément de difficultés à accepter le regard des autres sur la différence de leurs enfants.
Suite à ces recherches, je décide donc de prendre contact avec l’ONG Stars and Rain basée à Beijing. Celle-ci m’autorise à partager leur quotidien durant plusieurs semaines.
La particularité de cette ONG est de former les parents et d’encadrer les enfants durant un programme de onze semaines consécutives. Programme durant lequel les parents vont recevoir des techniques provenant de l’ABA (Applied Behaviour Analysis), permettant de traiter certains troubles du comportement dont souffrent les personnes atteintes d’autisme.
L’ONG se situe dans le Sud-Est de Beijing, dans le district de Chaoyang. Créée en 1993 par Mme Tian Huiping, maman d’un jeune garçon autiste, l’ONG est alors la première association travaillant sur l’autisme et les troubles du comportement chez l’enfant. Depuis, elle va alors connaître une croissance constante jusqu’à nos jours.
Celle-ci fonctionne presque essentiellement sur fonds privés et reçoit régulièrement l’aide d’associations privées ou d’ambassades étrangères.
Bien que reconnue internationalement comme ONG, le gouvernement chinois ne lui permet pourtant pas ce titre. L’aide provenant du gouvernement chinois étant pratiquement inexistante. L’aide gouvernementale pour les familles d’enfants atteints de troubles comportementaux est de quelques dizaines d’euros par an.
Une fois sur place, je me rend vite compte des difficultés rencontrées par l’ONG, l’école est située loin du centre de Beijing, bien que les infrastructures soient plus adaptées que la plupart des autres établissements du même type dans le pays, celles-ci sont encore loin de ce que nous connaissons en Europe ou en Amérique du Nord.
Environ 50 familles sont présentes dans le bâtiment du Pre School, les enfants sont âgés de 4 à 8 ans environ et sont divisés en 6 classes. Les familles viennent des quatre coins de la Chine et les mamans sont en majorité car la plupart des pères doivent subvenir aux besoins de la famille et prendre en charge le coût important de cette formation de onze semaines. Le coût étant d’environ 500 €, soit l’équivalent de plusieurs mois de salaires pour la plupart des parents. La situation financière de chaque famille est prise en compte lors de l’inscription de manière à permettre à tous un accès à cette formation. Les familles les plus aisées participent de manière plus importantes aux frais, permettant ainsi aux moins aisées de suivre également ce stage de longue durée.
Ces familles sont logées dans des habitations regroupées dans un rayon de 2km autour de l’école.
L’ONG possède également une autre antenne dans le village, le Group Home, destinée aux adolescents entre 12 et 19 ans. Celle-ci accueille six jeunes entourés par deux enseignants spécialisés et deux volontaires étrangers. Les jeunes du Group Home ne logent pas dans ce bâtiment mais sont hébergés dans un bâtiment d’une autre association, non loin de là. A la différence du PreSchool, les enfants ne rentrent pas tous les soirs avec leurs parents mais ne voient ceux-ci que le weekend. Durant leur passage au Group Home, les adolescents vont apprendre à s’intégrer dans la vie quotidienne via des tâches habituelles et ainsi tenter de se détacher de cette image d’enfants isolés.
Ce que je vais découvrir par dessus tout durant ces quelques semaines passées là-bas en compagnie de ces familles et enfants, c’est que la plupart du temps, ce sont les parents qui se trouvent transformés après ce programme de pratiquement trois mois. Leur perception de leur enfant et la manière de les aborder est radicalement modifiée. Toutes les peurs et les craintes se sont estompées et la relation parent/enfant démarre sous un nouveau jour.
L’équipe de l’ONG Stars and Rain (XingXingYu en chinois) et sa fondatrice, Tian Huiping, à qui on avait conseillé d’oublier et d’enfermer son fils, démontrent là toute leur volonté à faire changer les mentalités. Car, c’est bien leur but premier, aider à comprendre l’autisme et les troubles du comportement et ainsi vivre sans barrières et idées reçues. Vaincre l’isolement de ces familles au sein de leur communauté et ainsi profiter de la vie aux côtés de ces enfants merveilleux.
Valentin Bianchi
Valentin Bianchi est un photojournaliste belge indépendant basé à Liège.
Il a commencé sa carrière en tant que photographe indépendant en 2009. Son travail de journaliste se concentre sur des projets à long terme et du news . Il promeut la liberté d’expression. Il est également intéressé par les sujets liés au minorités et les oubliés.
Après avoir étudié l’architecture et a travaillé dans différents cabinets d’architecture tels que Greisch, cela influence son regard photographique et son style très graphique .
En Mars 2012, il a passé plusieurs semaines à Beijing, en Chine pour approfondir ses travaux sur l’autisme, un sujet qui lui tient à cœur.