Un voyage d’une année, à petite allure, sans argent ou presque, les wagons de troisième classe pour véhicule, les temples pour auberge et les pèlerins pour compagnons : la vie, en somme…
Mais alors ? de quelle sorte fut-il, ce voyage ? De la plus simple : un besoin de char d’air. Concrétisé par une rencontre, celle de Louis Frédéric, indianiste brillant et intimidant, alors sur le départ : « pourquoi ne viendrais-tu pas avec moi ? ». La proposition tombe à point. Denis Brihat l’accepte.
Entre les prises de vues de commande, le voyage fait ce qu’un voyage doit faire : plonger le voyageur dans le doute et la complexité du monde – et surtout, pour notre bonheur aujourd’hui, lui offrir de longs moments où la seul activité possible reste de regarder passer la vie.
C’est dans ces interstices que Denis Brihat prend ce qu’il nomme ses « photos d’amateur ». Le spectateur décidera. Il est permis de penser qu’il n’en est rien. Parce que Denis Brihat sait y faire avec un Leica. L’appareil est toujours prêt. Et l’homme, toujours disponible à ce qui a lieu. Lorsqu’une image fait signe, le temps de cadrer et elle est prise.
Denis Brihat n’est plus retourné en Inde. Physiquement s’entend. Dans la tête, l’Inde, personne n’en revient jamais tout à fait. Quand on lui pose la question, il dit y penser parfois avec nostalgie. Mais si l’on insiste et tente de savoir de quoi cette nostalgie serait faite, il élude gentiment. Et si cette nostalgie n’était que l’autre nom d’une gratitude ? Celle qu’il vouerait à l’Inde pour l’avoir essoré jusqu’à l’âme, et ce faisant lui avoir permis d’entrevoir ce qu’il avait à faire, tout en lui donnant la force de ne pas dévier ?
Extrait d’un texte de Frédéric Lecloux, écrit pour le porte-folio Inde, 2020
Denis Brihat