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Collezione Ettore Molinario : Dialogues #40 : Peter Hujar / Anonyme

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Il s’agit du 40ème dialogue de la Collezione Ettore Molinario. Je suis heureux de reprendre nos dialogues en rendant hommage à l’un des auteurs que j’aime le plus et que je suis fier d’avoir dans ma collection, Peter Hujar. Un gant de femme porté par Ethyl Eichelberger et à côté un gant d’homme qui a le raffinement du plus précieux accessoire féminin. J’ai aimé commencer 2025 de cette façon, en vous souhaitant une année libre et surprenante.

Ettore Molinario

 

Il était imposant, plus d’un mètre quatre-vingt, et à cette taille s’ajoutaient des talons aiguilles et une perruque inspirée du XVIIIe siècle. Lorsqu’il apparaissait sur scène, peut-être sur la scène du Pyramid Club ou du P.S. 122, Ethyl Eichelberger rendait hommage non seulement au verticalisme new-yorkais, non seulement à la culture drag dont il était le plus grand interprète, non seulement aux grandes dames de la tragédie et de l’histoire, Néfertiti, Jocaste, Clytemnestre, Médée, Lucrèce Borgia, mais aussi, et rétrospectivement, à une décennie formidable, les années 70 et 80 du Lower East Side pour lesquelles j’éprouve, comme beaucoup, une nostalgie dévorante. Certains diront : « Paris dans les années 1920 ». Je dis : « 1979 », quand Ethyl posait en Tante Belle Emme, une parodie d’Autant en emporte le vent, dans le studio que possédait Peter Hujar au 189 2nd Avenue. Cet espace où David Wojnarowicz, le compagnon et artiste extraordinaire de Hujar, vivra jusqu’à sa mort, était un loft au-dessus du Théâtre Eden, occupé autrefois par Jackie Curtis, la diva drag d’Andy Warhol et star d’un film comme Flesh aux côtés de Joe Dallesandro, Candy Darling et Patti D’Arbanville. Vous vous souvenez de la chanson Lady D’Arbanville ? C’était elle quand Cat Stevens l’aimait, et c’étaient les coordonnées de l’époque, sublimes. Pourtant, parmi tous, l’artiste que j’aurais vraiment aimé connaître est Peter Hujar, car j’aime ses juxtapositions, sa profondeur et son immédiateté sincère, sa perfection technique « avédonienne » et sa proximité sentimentale avec les sujets qu’il représente, qui appartient à quelqu’un qui cherche une nouvelle famille, chaleureuse, authentique, loin de la version dévastatrice que l’état civil vous impose parfois par hasard.

Dans la famille de Peter Hujar, il y avait Ethyl, un prénom qui en vieil anglais était féminin et évoquait la noblesse. Et avec Ethyl, il y avait des gens comme Vince Aletti, Susan Sontag, Fran Lebowitz, Divine, John Waters, William Burroughs, Paul Morrissey. Ce qui manquait, heureusement pour eux, c’était la citation. Tout était authentique à l’époque, la vraie culture alternative opposée à la vraie culture dominante, la vraie et puissante liberté drag contre le vrai patriarcat, mais ajoutons aussi le matriarcat, celui d’une société blanche, raciste et machiste.

Et ces gants immaculés sur les bras d’Ethyl et ce gant qui protégeait la main d’un gentilhomme élisabéthain, alors, que nous disent-ils ? Selon la légende, les gants auraient été inventés par les Grâces, qui se seraient précipitées pour enrouler des bandages parfumés autour des doigts ensanglantés de Vénus. En un instant, les gants, historiquement une mode des peuples barbares, deviennent un signe d’autorité. Variantes : recevoir un gant était un serment de loyauté impériale et papale, jeter un gant sur un accusé revenait à déclarer sa culpabilité, et il suffisait de toucher la joue de l’adversaire avec un gant pour que le duel commence. Ici, je voudrais faire la même chose, je voudrais retirer amoureusement les gants blancs d’Ethyl et je voudrais déclarer coupable une société qui homogénéise et digère tout, y compris les révoltes du passé et les ruines qui ont été un cadre d’accueil pour ces révoltes. Je voudrais rendre justice de la manière la plus chevaleresque et venger une révolution qu’une communauté d’artistes a payée de sa vie, et qui est devenue aujourd’hui une promenade joyeuse et très coûteuse sur les podiums de la mode.

Ettore Molinario

 

DÉCOUVREZ LES DIALOGUES DE LA COLLECTION
https://collezionemolinario.com/en/dialogues

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