Thibaut de Saint Chamas est un photographe basé à Paris, en France. Il découvre la photographie juste avant d’obtenir son diplôme à Sciences Po Paris et décide de changer de cap et d’abandonner une carrière sûre et prévisible pour une vie précaire mais créative. Après un passage à Vienne en Autriche, il intègre l’Ecole Nationale des Arts Décoratifs. Où il acquiert une culture visuelle et artistique et apprend l’importance de l’inspiration transdisciplinaire.
Ce travail personnel actuel et cette nouvelle publication de livre s’intitulent Et nous restons quelques absents avec Paris comme sous-titre sur la couverture photo. Depuis cinq ans, de Saint Chamas mène une étude photographique patiente et systématique de Paris. Si cette œuvre représente un instantané de la ville alors qu’elle a subi des transformations majeures à l’approche des Jeux Olympiques, son objectif premier est de capturer l’atmosphère et l’esprit exceptionnels de lieux chargés de culture et d’histoire. Faisant dialoguer des lieux emblématiques avec d’autres moins emblématiques, il raconte les humeurs et les atmosphères de cette ville à une heure où la plupart dorment.
Ses photos abordent les notions d’intime, de route, de mystère et de « non spectaculaire » où le décor devient le personnage principal d’une pièce secrète et fictionnelle. Il travaille également sur un autre projet au long cours sur les villages oubliés de France présenté lors des Rencontres de la Photographie d’Arles.
Il a commencé sa carrière en réalisant des portraits de personnes anonymes et célèbres. Pour des magazines (Télérama, Madame Figaro, Lire) ou des projets personnels, il cherche à faire ressortir les angles et attitudes les plus percutants de ses modèles. Cette expérience s’avère précieuse lorsqu’il commence à photographier la beauté et la mode dans les années 2000 pour ELLE et Vogue Paris. Lorsqu’il ne travaille pas à Paris, il réalise également régulièrement des carnets de voyage en Birmanie, en Syrie, dans les États baltes, au Cap Nord norvégien et au Nicaragua.
Aussi à l’aise avec les séances de travail sophistiquées en studio qu’avec la photographie spontanée en déplacement, ELLE USA lui a demandé de prendre des photos des coulisses des défilés de mode d’une manière précise mais spontanée. Cela lui donne l’occasion de rencontrer de nombreux artistes créatifs et talentueux et de perfectionner son sens de la beauté, du style et de la mode. Thibaut a ouvert son propre atelier dans un immeuble patrimonial du quartier Montorgueil.
Il travaille pour diverses marques de mode telles que Christian Dior, Giorgio Armani, YSL… pour les campagnes, les contenus éditoriaux et le décryptage des tendances.
Ses clichés apparaissent dans in Giorgio Armani (Rizzoli) Life under my skin (Diesel) Azzaro 50 ans d’éclat et Lolita Lempicka 20 ans de création, éditions Lamartinière, Mouna Ayoub parcours d’une collectionneuse, American Style (Assouline)
Website: http://desaintchamas.com
Book: Et nous restons quelques absents – Paris (Sortie 5 novembre 2024 Editions Odyssée)
Social Media: ig desaintchamas
Patricia Lanza : Comment avez-vous décidé de réaliser le projet et de travailler sur PARIS ?
Thibaut de Saint Chamas : Comme je devais prendre des vols ou des trains tôt le matin, j’ai dû traverser la ville très tôt et j’ai toujours été frappé par son atmosphère et son calme qui contrastent fortement avec l’ambiance diurne.
Paris est un sujet compliqué. C’est magnifique et en tant que tel, cela a été largement photographié. Mon but n’était pas de célébrer une fois de plus sa beauté. Je voulais explorer ce qu’il y a au-delà de cela. J’étais plus intéressé par son côté fictionnel, son ambiance qui peut changer radicalement d’un moment de la journée à l’autre. Je voulais également explorer la frontière mince entre ce qui semble familier et ce qui devient surréaliste lorsqu’on y prête davantage attention.
Ainsi d’un pâté de maisons à l’autre, j’ai commencé à explorer la ville pendant ce moment insaisissable et fragile où tout le monde dort. Régulièrement, encore et encore, avec différentes conditions météorologiques et lumineuses.
Décrivez votre processus de travail dans la ville et vos choix de lieux ?
Thibaut de Saint Chamas : Paris est un mélange de différents villages avec des frontières invisibles d’une rue à l’autre. En passant devant une rue ou un carrefour, vous entrez dans un style d’architecture, d’histoires et d’ambiance différents. J’ai procédé à un rythme beaucoup plus lent que celui auquel nous marchons habituellement pendant la journée. Le processus photographique lui-même a été très lent, avec une attention particulière portée à la composition, à l’angle de vue et à l’équilibre entre ce qui est montré à l’intérieur de l’image et ce qui est suggéré à l’extérieur. Mon objectif n’était pas de documenter la ville (même si il est témoin d’un certain moment de sa longue histoire, de son architecture et de son urbanisme). Mon objectif était de montrer le décor comme le personnage principal d’une pièce de théâtre dans laquelle le temps qui passe, le mystère de l’ordinaire et l’absence se partagent les rôles principaux. La mélancolie aussi, pour peu qu’on la définisse comme le bonheur d’être triste.
C’est plus le mélange des bâtiments qui m’a attiré que les bâtiments eux-mêmes. Comme pour les gens, la façon dont les bâtiments et leur environnement interagissent les uns avec les autres crée un certain charme et une certaine attraction et en dit long. Cela fait également ressortir certain vocabulaire visuel indissociable de Paris : le skyline, la perspective et le sens des grands espaces. De l’autre côté, les petits détails et les « accidents » jouent un rôle important. Comme dans le wabi sabi japonais, la beauté insaisissable de l’imperfection, ils sont bienvenus et nécessaires. Ils transmettent le sentiment d’être ancré dans le temps présent et dans la vie réelle. Des clôtures de chantier, des panneaux publicitaires, une voiture garée, le temps qui a laissé son empreinte sur un mur délabré ou des papiers qui traînent sur les trottoirs peuvent être ressentis comme dérisoires par rapport à la beauté éternelle de la ville. Mais ils sont déterminants dans la construction de cette beauté et accueillants pour leur capacité à donner vie, suggérant les vestiges du temps et véhiculant l’esthétique d’aujourd’hui. Pour la même raison, je n’ai fait aucune distinction entre les lieux emblématiques et les lieux vernaculaires. Ils ont besoin l’un de l’autre. Pour peu qu’ils se rapportent à des histoires et des moments de vie.
Votre travail est dépourvu de personnes lui conférant une atmosphère intemporelle, comment en êtes-vous arrivé à cette approche ?
Thibaut de Saint Chamas : En raison de l’heure de la journée, la plupart de mes photos sont dépourvues d’humains. En y regardant de plus près, certains apparaissent cependant sur certaines images. Comme pour les « accidents », je voulais cette tension entre la « grande image » et le pixel, le petit détail. Avec une lecture en deux temps, une rapide et une lente. L’humain apparaît comme un écho du jour passé ou la promesse du prochain. Ils ont l’air dépassés par la grandeur de la ville, insaisissable comme le sont nos destins lorsqu’on les considère à l’échelle historique. Mais en même temps, ils font ce qu’est cette ville : un carrefour de destins. L’absence d’humains permet de se concentrer sur le décor et donne ce sentiment que la ville est à nous. Un sentiment exaltant d’un moment intermédiaire où le passé est révolu et où le futur n’est pas encore arrivé et où tout est possible.
En photographiant j’avais en tête les ambiances des films de la Nouvelle Vague ou des films de Michelangelo Antonioni comme La Notte mais aussi les ambiances surréalistes ou méditatives de Giorgio De Chirico ou de René Magritte. Certaines images font également écho au pape surréaliste André Breton et à son roman emblématique Nadja, qui raconte la rencontre d’une femme mystérieuse appelée Nadja dans un Paris surréaliste.
Donnez les détails sur les dates de publication. Que cherchez-vous à faire de ce travail au-delà de la publication d’un livre ?
Thibaut de Saint Chamas : Et nous restons quelques absents – Paris. Éditions Odyssée. Edition régulière disponible à partir du 5 novembre plus Edition collector exemplaires signés plus un tirage d’art numéroté de 1 à 40 (4 jeux de 10).
Texte & Interview par Patricia Lanza
Thibaut de Saint Chamas : Et nous restons quelques absents – Paris
Editions Odyssée
https://www.editionsodyssee.com/paris