C’était en 1981. Le Brésil entrait dans une période de libération de 21 ans d’une dictature marquée par une censure rigide et la violation des droits civils. Ce fut aussi le temps des profits, lorsque le pays connu les avantages et les inconvénients du soi-disant «miracle économique» qui avait eu lieu dans les années 1970. Durant cette décennie, une partie importante de la population autochtone, concentrée dans la région amazonienne, souffrait de maladies mortelles causées par l’augmentation des contacts avec les garimpeiros (chercheurs d’or et de pierres précieuses).
Dédiée à la cause indigène, la photographe Claudia Andujar, accompagna deux médecins lors d’une expédition au cœur de la forêt amazonienne dans le cadre d’une campagne de santé effectuée chez les Yanomami. Une des plus grandes tribus «isolés» d’Amérique du Sud, les Yanomami furent également l’une des principales victimes de l’exploitation minière incontrôlée et clandestine alors en hausse dans les régions du Nord du Brésil.
Claudia avait la responsabilité de photographier ces personnes pour leurs dossiers médicaux. Ses portraits montrent les Yanomami portant des chiffres autour de leur cou – des signes distinctifs qui leur a permis d’être identifiés par l’équipe médicale. Cette procédure a été jugée nécessaire car ils ne se donnent pas de noms. Cependant, en plus de leur donner une identité temporaire, ces chiffres représentaient en quelque sorte une « marque de mort ».
On pourrait peut-être comparer cet acte aux expériences d’enfance de Claudia en Hongrie où elle a été témoin de la mort de sa propre famille et de ses amis qui avaient été forcés de porter l’étoile de David autour de leurs bras.
«J’ai fait ma première rencontre avec la « marque de la mort » à l’âge de treize ans, en Transylvanie, Hongrie, vers la fin de la Seconde Guerre mondiale (1944). Mon père, ma famille du côté de mon père, mes camarades de classe… ils avaient tous l’étoile jaune de David cousue sur leurs vêtements. Elle était visible sur leurs poitrines afin qu’ils puissent être identifiés comme « marqués » – de manière à leur porter un affront et de les perturber, plus tard, pour leur déportation vers les camps d’extermination. On pouvait sentir dans l’air que quelque chose de terrible allait arriver », explique la photographe.
Claudia Andujar est né en Suisse et a grandi en Hongrie et en Roumanie. Elle est arrivée au Brésil après la guerre, en 1955, et a voyagé dans tout le pays avec l’objectif de créer un recueil photographique témoignant de sa diversité culturelle et sociale. Claudia a passé près de trente ans de sa vie à photographier le groupe Yanomami mais c’est seulement en 2008 qu’elle se décida à revoir les portraits des «marqués», intégrant la transformation des archives médicales « en une œuvre qui interroge la méthode d’étiquetage des êtres à des fins diverses. »
L’œuvre Marked, 1981-83 est présente dans l’édition actuelle de la Biennale d’Istanbul, qui a débuté le 17 Septembre et se poursuivra jusqu’au 13 Novembre 2011, sous la curatelle d’Adriano Pedrosa et de Jens Hoffmann.
La Biennale tiendra son exposition à Antrepo 3 et 5 à Tophane.
Antrepo 3 & 5
Meclis-i Mebusan Caddesi
Liman İşletmeleri Sahası
Tophane
Jusqu’au 13 novembre, 2011