Cette nouvelle série (2019) s’inscrit dans une démarche créatrice souhaitant déréaliser l’autoportrait, genre photographique que je pratique depuis la fin des années 1990 dans la perspective du numérique.
Toutes les photos sont réalisées à partir de mon visage réel, visage que je déforme et/ou transforme, soit en me représentant en femme ou en juxtaposant deux autoportraits différents. Ceux-ci sont marqués par le sceau de diverses expressions de mes humeurs et de mes affects très changeants d’un autoportrait à l’autre.
Dans ce sens, la découverte –il y a quelques années — des autoportraits nommés « têtes de caractère » du sculpteur Franz Xaver Messerschmidt (1736-1783), lesquels sont très expressifs grimaçants et traversés par des hallucinations, demeurent une référence dans mon travail : inconsciemment, ils m’ont ouvert la voie à l’expression de la douleur, de la laideur, de l’horreur et de la folie.
Ici, mes autoportraits ont un aspect fondamentalement disjonctif. Je déconstruis la figure humaine, la mienne, ou celle imitant un visage autre, en lui superposant des griffonnages aux formes plutôt organiques, auxquels j’ajoute des formes géométriques basiques : lignes, ovales, cercles, étoiles à cinq branches et même des mots.
Cet ensemble polymorphe me permet de dégager de la composition des profondeurs superficielles qui enrichissent la surface du document photographique. Aussi, je grossis à la loupe des traits de visage, le plus souvent les yeux, ce qui insuffle un effet d’horreur et de déréalisation de l’autoportrait. Je n’ai aucun intérêt pour le mimétisme réaliste, le naturalisme et la beauté convenue.
Dans cette formulation novatrice de l’autoportrait une question fondamentale subsiste soit celle de l’identité : le fameux « qui suis-je ? ». Curieusement, cette question se manifeste, dans l’image, par une destruction de l’objet premier : mon visage.