Après une inauguration en hommage à la beauté, la Galerie Agathe Gaillard présente en ce moment des couleurs du photographe français Claude Iverné. Cette exposition entrelace médiums et teintes, entre rimes et documents. Exposé cette année à la Fondation Henri Cartier-Bresson, dont il est également le lauréat ainsi qu’à la Fondation Aperture à New-York, Claude Iverné, dont le travail se situe ces dernières années en grande partie au Soudan, porte une attention particulière à la couleur, utilitaire, poétique ou politique. Elle immisce parfois un indice (que ne donnerait pas le noir), ou bien une proximité soudaine en regard de la distance au réel, plus commune à ses gris infinis. On y lit tout autant la lenteur assumée, un dépouillement silencieux vers l’essentiel, qui peut n’être parfois que le vacarme lui-même, la perte de sens.
Lui qui revendique « photographier comme l’œil humain voit » sans déformation optique, explique ses images par une attitude naturelle d’observateur : « Je prends ce qui vient à moi ». Les photographies d’Iverné se délivrent à retardement, comme par jeux de plans successifs, par le brouillage subtil des nuances de la gamme chromatique. Les teintes retiennent leurs cris, se font discrètes, à bas bruit, chuchotent.
Il y a alors autant de gris dans les couleurs que de couleur dans les gris de Claude Iverné. Si le noir y règne aussi peu que le blanc, c’est par ce qu’y subsiste toujours une lueur, même au plus profond de l’ombre, un leurre à l’absence (de lumière). Autant de couleurs en suspens, tapies dans des gammes sourdes à l’usage de nos imaginaires, qui invitent à la curiosité.
Iverné milite contre l’idée d’un public sot et les installations didactiques. Il tient l’humain pour curieux et aussi indocile que lui-même. Ce vert olive qui caractérise ces gris pousse vers l’esquisse, à dessein. Il s’agit d’échapper au réel, de prendre le large au-delà des apparences. C’est ainsi entre les lignes, dans les nuances, que s’ouvre l’espace de l’imaginaire du spectateur.
La couleur et le noir et blanc sont ici synthétisés dans le traitement des ombres. Que voyons-nous ? Des silhouettes en mouvement ouvrent notre imaginaire, par le manque qu’elles appellent à combler, elles se contorsionnent, dansent à l’adresse de nos sens. C’est un manifeste cohérent dans l’ensemble de l’œuvre de Claude Iverné. Une position résolument politique : les images sont trompeuses. Les plus bruyantes s’avèrent souvent vides et c’est précisément en creux, par ce qu’elles suggèrent, qu’Iverné propose de lire le monde. Le mouvement, le geste, simplifiés par l’ombre. Les corps se meuvent comme Bazelitz, il faut ré inverser le regard imaginer le positif, pousser l’esprit au-delà de la vision.
Claude Iverné, De la couleur
Du 30 novembre 2017 au 4 février 2018
Galerie Agathe Gaillard
3 Rue du Pont Louis-Philippe
75004 Paris
France