Le duo d’artistes composé de Virginie Pougnaud et Christophe Clark, expose plusieurs de leurs mises en scène photographiques à la Galerie XII jusqu’au 29 juillet. L’Œil de la Photographie les a rencontrés.
Zoé Isle de Beauchaine : Parlez-nous des œuvres que vous exposez à la galerie XII
Virginie Pougnaud : Nous avons mélangé une ancienne série, Mood Indigo (2014), à notre travail le plus récent. La série À poils (2022-2023) porte sur la fourrure, la peau animale et humaine, tandis que Fetish (2020) est composée de natures mortes évoquant les mémoires d’un homme.
Pourquoi ce titre, Une certaine idée du bonheur ?
Virginie Pougnaud (VP) : Nous travaillons ensemble depuis 25 ans et avons toujours essayé dans notre pratique d’atteindre un certain bonheur et un art de vivre. Que ce soit à travers la photographie, la peinture, la musique ou nos rencontre, notre seul but est de trouver en nous une harmonie et une douceur de vivre.
Christophe Clarke (CC) : Nous sommes fiers aujourd’hui de regarder une de nos photographies et d’être ramenés à une période de vie. Il y a une continuité entre notre art et notre biographie.
D’une certaine manière, ces œuvres fonctionnent comme un album ?
VP : Nos séries sont comme un album de famille et nos modèles vieillissent souvent avec nous. Ils sont nos amis ou le sont devenus. Derrière nos prises de vue, il y a toujours l’idée de créer une relation plus riche que simplement quelqu’un venant poser pour nous. Il y a un échange, un double regard, pas seulement le notre mais aussi celui qu’ils posent sur nous puisque finalement nous nous regardons à travers nos modèles.
C’est votre première série, Hommage à Hopper, qui vous a révélés. Pouvez-vous nous parler de votre rapport aux arts et notamment à la peinture ?
CC : Pour ma part, la peinture est sacrée. Plus que la photographie. J’ai toujours été baigné dans la photographie, j’ai pu voir son évolution de l’argentique au numérique. Mais j’ai toujours respecté la peinture bien plus que la photographie. Mon but ultime est d’arriver à approcher le plus possible la peinture et donner à la photographie quelque chose qu’elle n’a peut-être pas encore. C’est d’ailleurs une autre réflexion sur la photographie : quelle est sa place ? Elle est partout, elle est aimé de tous mais je trouve qu’elle n’a pas encore trouvé sa plénitude, qu’elle n’est pas respecté comme elle le devrait. C’est ce que je recherche.
VP : La peinture est mon mode d’expression depuis l’enfance, des croquis à la peinture à l’huile en passant par les bandes-dessinées. À ses débuts, la photographie était calquée sur la peinture. C’est plutôt la direction que nous tendons à prendre mais, à la fois, la photographie apporte un côté surréaliste, joué, peut-être plus léger.
Il y a quelque chose de très dramatique dans votre manière d’utiliser la lumière artificielle.
VP : Je suis issue du milieu du théâtre, c’est ce qui m’a donné envie d’aller vers la mise en scène et la composition. Lorsque j’allais voir des pièces j’étais surtout marquée par les décors et l’illusion crée par l’éclairage, la manière dont la lumière se mélangeait à ces éléments peints.
CC : Notre rapport a la lumière a évolué. En partant s’installer à la campagne nous avons commencé à réaliser des natures mortes, ce qui nous a mené à la série Fetish. À ce moment-là nous nous sommes accordé la liberté de ne plus faire de montage qui était notre spécificité jusque-ici. L’éclairage était lui aussi bien plus simple, on suivait la lumière naturelle.
Pourquoi avoir épuré vos décors ?
CC : Tout nous pose de plus en plus problème, les vêtements, les décors, les accessoires. Nous aimerions épurer le plus possible. Je ne sais pas où cela nous mènera. Cette volonté est née après la série Fetish qui était très chargée d’objets et de symboles. Nous voulions passer à quelque chose de plus simple. Mais de manière générale, bien que nous travaillons la mise en scène, nous cherchons une forme de simplicité et un reflet assez direct de la vie. C’est pour cela que nous travaillons dans la plus grande intimité et évitons tant que possible de retoucher.
VP : Il n’y a que la couleur qui nous semble indépassable.
La photographie est-elle un jeu ?
CC : Oui, à tous points de vue. Les gens perçoivent une forme de solitude, de drame ou d’angoisse dans nos images pourtant nous les pensons de manière éminemment gaie. Je pense que cela vient du fait que la photographie est grave. Elle manque de légèreté. La peinture permet peut-être un peu plus de faire partir l’imagination alors que la photographie tout d’un coup fixe une scène dans le réel.
VP : Si la photographie n’était pas un jeu nous ne la pratiquerions pas. Finalement, nous faisons cela pour échapper à la morosité de la vie. Nous aimons la légèreté de nos mises en scène et le fait que nous pouvons les réaliser n’importe où et n’importe quand.
Quels sont vos projets en cours ?
CC : Nous avons beaucoup de matière autour de nos images, notamment de la vidéo et nous réfléchissons en ce moment à comment l’exploiter, ce que nous pourrions en faire, peut-être un film…
VP : Nous travaillons aussi à une série en cours depuis plus de dix ans pour laquelle nous photographions des petites filles qui grandissent. Ce projet a commencé un peu par hasard, lors d’un été avec des amis. Nous avons proposé à leurs filles de poser dans des décors et c’est depuis devenu un rituel. Aujourd’hui elles ont autour de dix-huit ans et continuent chaque année de nous appeler pour que l’on poursuive le projet. Finalement, à l’heure où l’image et les selfies sont omniprésents mais évanescents, seuls ces portraits restent et sont pour elles le marqueur d’une nouvelle année passée. Elles leur permettent de s’observer vieillir. C’est un projet plein de vie et de poésie, que nous aimerions beaucoup montrer mais à l’heure d’aujourd’hui cela reste compliqué.
Clark & Pougnaud – Une certaine idée du bonheur
Galerie XII Paris
14 rue des Jardins Saint-Paul 75004 Paris
Dumardi-vendredi : 14h-19h samedi : 12h-19h
& sur RDV en dehors de ces horaires
www.galeriexii.com