Rencontre avec Marion Hislen, présidente de l’association Fetart, à l’origine du festival Circulation(s). Propos recueillis par Juliette Deschodt.
Qu’y a-t-il comme changements majeurs cette année pour cette 3e édition ?
M. Hislen : Il n’y a pas de gros changement majeur, nous sommes restés sur le même mode de fonctionnement que la deuxième année. Nous avons essayé de mettre plus d’installations photographiques, c’est à dire que lorsque nous avons lancé l’appel à candidature, nous en avons fait un spécifique pour les gens qui utilisent la photographie, pas au mur, mais dans l’espace. C’est une évolution par rapport à l’année dernière. L’autre nouveauté, c’est que nous avons pu utiliser le Trianon où huit artistes sont exposés.
Comment s’est organisée la sélection, y avait-il une thématique ? On retrouve beaucoup le thème de la famille, du deuil…
M.H : Je pense que comme nous sommes très proche d’une certaine réalité et d’une certaine tendance de la photographie, nous nous rendons vraiment compte quand on dépouille et lorsque l’on fait les présélections, des tendances qui se dégagent de la photographie à l’instant t.
Parmi la majorité des travaux personnels que nous avons reçu, l’on se rend bien compte que c’est une année difficile et un peu triste. Il y a beaucoup de recherche de racines, de travaux autour de la mort, de l’identité… et quasiment aucun travail un peu anecdotique ou joyeux. Il n’est pas facile d’être un jeune photographe aujourd’hui, ce sont quand même les jeunes les plus touchés par le chômage en Europe. Les temps sont un peu graves pour eux et cela se sent vraiment, plus que les autres années. Beaucoup de balades, de nostalgie et avec un mode d’accrochage un peu différent, qui se rapproche un peu de l’art contemporain. Nous avons au moins 40% d’installations, on mélange les formats différents, des matières différentes. Il y a une tendance à sortir du champ classique.
Pas de thème donc ?
M.H : Non parce que ce serait trop segmentant par rapport aux travaux artistes. Nous sommes sur des jeunes artistes qui ont en moyenne trois séries. Ce qui est important c’est de montrer à un moment, où en est la jeune photographie.
Vous avez choisi François Cheval comme parrain, pourquoi lui ?
M.H : Comme nous sommes une association essentiellement composée de femmes, à la réputation d’être très girly, cette année nous avons essayé de casser cette réputation en prenant un homme comme parrain. Non, en fait blague à part, nous avions très envie de travailler avec lui puisque déjà, il représente l’institution. Pour nous c’était un type de « parrainage » qu’on n’avait pas encore eu, puisque les années précédentes c’était une galerie et un commissaire. Alors que François Cheval lui, représente un musée. Et puis, c’est quand même un personnage haut en couleur, un homme à la réputation d’un certain franc parler doté d’une créativité et d’une liberté. Dans l’institution c’était probablement la personne qui nous correspondait le mieux.
Concernant la sélection jury, qui est-ce qui choisit ?
M.H : Nous avons reçu 850 dossiers cette année, qui sont tous arrivés en même temps, le dernier jour. Nous avons vraiment été dépassés. La sélection nous a pris quasiment trois semaines non stop ! Avec l’association, nous faisons d’abord une grosse présélection. La sélection finale se fait ensuite sur 150 dossiers finals avec un grand jury. Dans le jury il y a des personnalités du monde de la photographie et les partenaires. Parmi eux nous avions notamment Dominique Gaessler (Trans photographic), François Cheval bien sûr, ainsi que deux invitées Frédérique Chapuis (Télérama) et Martine Ravache (Connaissance des Arts).
Qu’en est-il de la dimension européenne du festival ?
M.H : J’ai l’impression qu’il y a un peu plus de français que l’année dernière. Nous avons beaucoup d’allemands aussi cette année. Après il y a des pays que l’on a encore du mal à toucher, comme l’Angleterre par exemple. Cela dépend du pays et du réseau. Nous construisons nos réseaux petit à petit. Par exemple, on avait une galerie lituanienne au début et maintenant, nous somme bien diffusés en Lituanie. Chaque année nous invitons une galerie et une école. Cette année nous avons une galerie autrichienne (AnzenbergerGallery) et une école belge (Saint-Luc, Liège).
En trois ans, le festival s’est bien développé non ? Que sont devenus les anciens, avez-vous des retours ?
M.H : Oui, c’est l’intérêt de travailler avec de jeunes artistes et d’être un petit festival ; nous sommes suivis depuis assez longtemps par des réseaux professionnels qui cherchent des jeunes artistes émergents, qui ne sont pas encore en galerie. En quelque sorte, nous sommes une riche pépinière pour les professionnels. Le festival a été une plateforme pour les anciens exposés. Par exemple Gregor Beltzig est rentré à la galerie Binôme, Amélie Chassary et Lucie Belarbi depuis le festival l’année dernière n’ont pas arrêté, elles ont été prises dans deux galeries. Eric Pillot a obtenu le prix HSBC l’année d’après, sans parler de Maia Flore évidemment. Pour le moment, cette année Patrick Willocq a gagné un prix après qu’on l’ai sélectionné. Il y a aussi un travail du photographe à faire en allant vers les gens et en les invitant. S’il l’exploite bien et qu’il joue le jeu, le festival est vraiment un tremplin.