Mon cadre de travail est le poste de pilotage d’un Boeing 747. Pour s’envoler loin du jour, vers la nuit. Passer au-dessus de nuages aériens et légers et des bancs de brouillard dans l’obscurité d’un noir d’encre, autour de nuages d’orage hauts d’un kilomètre remplis d’une énergie inconnue, tout droit dans le lever du soleil. Pour découvrir le premier trait de lumière du soleil, son rouge reflété dans les pics de l’Himalaya. Un vol nocturne au-dessus de l’Atlantique tout noir, mais non, il n’est jamais tout à fait sombre, on peut toujours voir l’horizon, les étoiles et parfois la lune me tient compagnie tandis que je vole au-dessus des eaux. Ces moments, entrelacés avec l’environnement très dynamique du poste de pilotage, avec ses cadrans, écrans, indicateurs, interrupteurs et boutons sont les composants de mes travaux. Quand on lit et interprète ces instruments, un monde artificiel se projette dans la réalité. Cette réalité artificielle est notre clé pour naviguer en toute sécurité dans l’obscurité et les nuages. Ces indications désignent la vitesse, l’altitude ou les paramètres du moteur. Leur forme de représentation et de fonctionnement possède une esthétique passionnante. Nous dépendons complètement de ce monde artificiel. Il est impossible de représenter le temps et l’espace. Mais un instantané de l’indicateur de vitesse immobile signifie qu’à ce moment, l’avion s’est déplacé de quelques centaines de mètres. Quand on vole vers l’Est, le jour se raccourcit, vers l’Ouest, il se prolonge. Quand on franchit la ligne de la date, on change de jour. Capter ce paradoxe en photo et le rendre visible est l’une des raisons pour lesquelles je prends mon appareil photo. Cette tension entre nature et technologie constitue la matière d’un nouveau type d’abstraction. La photographie numérique me donne le moyen de décrire un moment de ma vie à travers une photo, la façon dont je l’ai vue ou souhaitée. Mes images se développent d’abord en pensée, et il y aura le moment où la nature ou mon cadre de travail vont les libérer. Je peux attendre.
Christian Block
