Né en 1958 à Chengdu, capitale de la province chinoise du Sichuan, Mingyi Luo est photographe, architecte d’intérieur et peintre depuis bientôt trente ans. Sa ville est son champ d’investigation, notamment à travers ses aspects collectifs et sociaux, qu’il s’agisse des sdf, des travailleurs migrants, du relogement des rites funéraires ou de la Bourse locale. Son sujet People on the QingnianRoad – Lost Desire a reçu le prix spécial du jury au Festival international de Lianzhou, en 2010.
Les années 1991-1999 sont marquantes pour l’évolution de la société chinoise. Mingyi Luo est l’un des rares, le seul peut-être, à avoir documenté, conservé une telle mémoire, et contribué à l’écriture de l’histoire au quotidien. Il s’est concentré sur deux rues de Chengdu, Qingnian Road et Chunxi, dont le commerçant qu’il a été connaît bien l’ambiance, les boutiques débordant sur les trottoirs et la clientèle. Pendant dix ans, il a photographié, en noir et blanc et au carré, l’irruption dans la province d’une garde-robe occidentale immédiatement adoptée par une population qui trouvait là une façon d’échapper à l’uniforme jadis imposé par le régime de Mao. Affirmation d’identité, de singularité, de liberté autant que signes d’adaptation à la mode occidentale, chapeaux et pantalons à pinces prêtent à sourire, mais dessinent un changement en profondeur. Une forme de protestation calme qui atteste l’apparition d’une classe moyenne.
Au-delà de cet aspect sociologique, c’est évidemment l’approche esthétique et photographique de ce phénomène qui frappe. Instants volés, choix du noir et blanc qui évite l’anecdote, cadrages serrés et, surtout, utilisation du grand-angle – peu courant avec le format carré – plonge le spectateur dans la foule.
Mingyi Luo revendique le rapprochement de cette série documentaire, qui se concentre sur les signes et l’acuité du regard, avec le travail de William Klein, qu’il découvrit tardivement à travers l’un de ses livres. Le photographe japonais Nobuyoshi Araki avait salué la pertinence de cette série avant même qu’elle ne soit reconnue.
Christian Caujolle, commissaire
Texte extrait du livre-catalogue « Photoquai » coédition Musée du Quai Branly- Actes-Sud