La IX ème édition de Lianzhou Foto 2013 se place dans la très digne lignée de ses prédécesseurs. Merci à Duan Yuting, sa Directrice de nous présenter une soixantaine de photographes chinois autour du thème « Farewell to Experience« .
Au-delà de ce titre, peut être à cause, je ne saurais me prononcer, une atmosphère particulière et prononcée émane de la production photographique chinoise. Cette atmosphère, quelques soient les sujets traités, reflète une inquiétude, une espèce de désarroi, parfois clairement énoncé, parfois diffus voire inconscient. Après les années de folie créatrice qui ont suivi la libéralisation économique, après la période plus calme, toujours créatrice mais moins exorcisante, les photographes chinois semblent être pris de tournis.
Un tournis provoqué par la brutale accélération de l’Histoire qui place maintenant la Chine en leader de l’économie mondiale. Une transformation si rapide et si volontaire n’a pu se faire sans laisser des traces, des blessures.
La dialectique chinoise, du passage de l’ancien au moderne, suinte la volonté de faire du passé table rase, il semblerait que cela trouble de nombreuses âmes sensibles dont celles des photographes. Ces photographes vont dénoncer cette fuite en avant comme Du Zi (Scar) qui se dresse violemment contre la destruction des paysages ou, plus distancé, comme Chen Xiafeng (Placing Plants) qui ne supporte plus la désespérance de ces pauvres plantes abandonnées dans des coin d’immeubles ou d’appartement. Aussi le travail de Lau Chi-chung (Landscaping Artifacts) qui salue la Nature triomphante.
D’autres veulent par des formes plus ou moins métaphoriques se soustraire au monde qui les entoure, en se projetant dans… l’avenir, mais sous forme de rêve échappatoire comme Li Zhi (Moon) qui reconstitue la Lune ainsi que He Wei (The Little Univers) qui part dans son espace onirique. La Chine du passé est là, les splendides photos de Jiang Jian de la Province du Henan, Li Jie ( When Play is not Play- a Cultural Imagination through Time and Space), les touchantes images de Zhao Gang (My University Life) qui retrouve l’université où il a connu sa future femme et bien sûr le travail du Commissaire Chen Xiabo (Faces of Old Times) qui nous propose la Chine d’avant… Ne pas oublier Mao, en statue, magnifié par Chen Wenjun (The Sun Also Rises).
Ce malaise face au brutal changement se traduit aussi par l’impression de ne pas exister ou plus exactement que les nouveaux styles de vie ne permettent plus de s’inscrire dans des rapports humains normaux une sorte déshumanisation en cours avec Ge Pei (Don’t Look At Me) qui efface les voyeurs, Fu Weixin (Chinise TV) qui fixe les animateurs les yeux fermés.
Comment ne pas retrouver cette même gène dans les images de Meng Jing et Fang Er (Love Hotels) dans leur reconstitution de chambres de bordel. Li Chaohui (Specimen) nous donne l’échelle de ce que nous sommes, peu de chose une fois déconstitués, ce que Wu Qi (Rubik’s Cube-Ressources) nous montre d’une autre manière.
Il y avait dans ce festival d’autres photographes dignes d’être présents devant vos yeux, peut-être aurai je l’occasion de vous en entretenir. La photographie chinoise est une réalité bien vivante, qui chaque année nous révèle de nouveaux talents, des photographes pour qui la photographie est un dur moment pour un vrai résultat.
Michel Philippot