Au cours des 30 dernières années, la Chine est passée d’une structure sociale agricole, traditionnelle et rurale à une structure industrielle, urbaine et moderne. Bien sûr, ce nouveau modèle n’en est qu’à sa phase préliminaire. Il n’est pas équilibré et accumule les défis : la démographie, l’urbanisation, le déséquilibre du développement entre les régions, la modernisation des entreprises d’Etat, le statut des travailleurs migrants et surtout l’environnement. Au cours des dernières années, la vitesse du développement et la surexploitation des ressources naturelles ont engendré une pollution aujourd’hui devenue critique. Au cours de la prochaine décennie, les Chinois devront payer le prix fort pour réparer ces dégâts. Heureusement, à l’inverse de ce qui se passe dans d’autres pays confrontés à des crises récurrentes, l’économie chinoise connaît une croissance globale régulière qui laisse penser que notre pays deviendra à terme une superpuissance. Ce développement accéléré a toutefois permis une amélioration des conditions matérielles tout en les rendant les citoyens plus exigeants, notamment en termes de rythme de vie. Je pense que les Chinois prennent progressivement conscience qu’un tempo moins frénétique et un esprit plus serein sont plus adaptés à la condition humaine. Enfin, depuis une décennie, la culture internet s’est fortement popularisée. Tout événement susceptible d’avoir des répercussions sociales est désormais lié à sa capacité de diffusion en ligne. Etroitement liée au Web, la photo est devenue l’un des principaux outils de communication pour enquêter, contrôler et participer à la vie publique ou politique chinoise. Avec Internet, nous disposons d’une plateforme pour exposer des problèmes, pour aider les décideurs comme le public à réfléchir à des solutions. Bien entendu, le photographe n’est pas doué de pouvoirs illimités. Certains problèmes ont émergé suite à la concordance de nombreux facteurs et nécessiteront des efforts conjugués de tous les acteurs sociaux pour être résolus.
Qiu Yan
Qiu Yan est né en 1961 et a grandi dans un village de pêcheurs et de riziculteurs des plaines du Hubei. A la fin du lycée, comme de nombreux “jeunes éduqués” de l’époque communiste, on l’envoie travailler la terre dans un bourg de montagne. En 1978, le système du concours d’entrée des universités est rétabli et il intègre le département d’ingénierie de l’université des Trois Gorges, dans la ville de Yichang. C’est là qu’une annonce placardée dans une cage d’escalier bouleverse son destin : un étudiant y propose un programme d’apprentissage du développement photo. Il est instantanément fasciné par ce processus magique, se découvre une passion pour la photo et les médias en général. A la fin de ses études, il accepte un poste d’ingénieur mais démissionne peu après pour suivre un cursus de journalisme à l’université Huazhong des Sciences et Technologies, à Wuhan. Diplômé en 1987, il sera un temps reporter radio avant de revenir à la photo. Il a travaillé depuis comme photojournaliste, éditeur photo et directeur-adjoint du département photo du bureau du Hubei de l’agence Xinhua, pour le quotidien du soir de Wuhan et celui du Yangzi. Il y a couvert le long processus de construction du barrage des trois Gorges — sa région natale — et le déplacement de sa population, mais aussi des dossiers d’actualité nationaux tels les inondations du fleuve Yangzi en 1998, le cinquantenaire de la fondation de la République populaire de Chine, la lutte contre le SRAS ou le tremblement de terre de Wenchuan. Ses images ont été récompensées par de nombreux grands prix de journalisme en Chine, et par deux troisième prix World Press Photo : en 2004 dans la section vie quotidienne et en 2005 dans la section Sport. Il est actuellement grand reporter et chef du service photo du Quotidien de Wuhan, membre de l’institut de photojournalisme de Chine et de l’Association des photographes de Chine.