J’ai vingt ans de reportages photo derrière moi. Mes pas m’ont entrainé un peu partout en Chine, des plus grandes villes aux plus somptueux sites naturels, ce qui m’a permis d’avoir aujourd’hui une vision panoramique de la géographie de mon pays et de documenter la vie quotidienne de mon peuple. La Chine est un pays pluri-ethnique qui s’étend sur une très vaste surface. Qu’il s’agisse de sujets humains et historiques ou de paysages, la matière photographique y est logiquement très riche. En fait, je pense qu’aucun autre pays n’offre une variété comparable. Comme les autres Chinois, j’ai connu l’époque où l’essentiel était d’avoir un estomac rempli et de quoi se vêtir. Comme eux, j’ai ardemment désiré pouvoir mener une vie meilleure. Au cours des 20 ou 30 dernières années, l’économie chinoise a fait un formidable bond en avant, et son influence sur la scène internationale ne cesse de se renforcer. Mais cette évolution a créé un certain nombre de problèmes : le développement entre villes et campagnes s’est fait de manière très déséquilibrée, et le fossé entre les très riches et les très pauvres ne cesse de se creuser. Sans compter qu’il y a une contradiction évidente entre la volonté de développer l’économie à tout prix et celle de protéger l’environnement ou de garantir la sécurité alimentaire. Un problème me semble le plus préoccupant encore : celui des fonctionnaires véreux. Depuis une dizaine d’années, les dirigeants proclament qu’ils vont venir à bout de ce casse-tête. Dans les faits, plus ils crient et plus les cas de corruption sont nombreux. Il ne faut donc pas s’étonner que les gens du peuple se sentent souvent découragés. Notre pays est appelé à devenir de plus en plus puissant, ses portes vont continuer à s’ouvrir sur le monde. Nous serons donc confrontés à un nombre croissant de problèmes inédits qu’aucun gouvernement ne pourra régler en profondeur sur le court terme, d’autant moins s’il continue à être rongé par la corruption. Cela dit, soyons réalistes : qui peut prétendre vivre dans un pays parfait ?
Chen Bixin
Chen Bixin est né en 1952 dans une petite ville du Guangdong. Comme nombre de jeunes de sa génération, il est privé d’éducation supérieure par la révolution culturelle et se retrouve mineur à 18 ans. Il passera plusieurs années à creuser des tunnels et aménager des systèmes de ventilation. Au milieu des années 80, il décide de reprendre les études tout en travaillant dans un service administratif de la mine. Il décroche un diplôme de littérature de l’université Sun Yat-sen de Canton en 1988. Il commence peu après à s’intéresser à la photo et se forme en autodidacte en faisant des images de paysages le week-end. Il s’active pour proposer ses photos à la presse locale et participer à des concours régionaux, si bien que ses photos d’amateur lui rapportent bientôt plus que son salaire. Au tournant du millénaire, il démissionne du groupe minier où il pointe encore pour rejoindre une agence de photo officielle de la province du Guangdong, avant de devenir photographe indépendant à part entière. Il monte alors son propre studio, fait des photos « dans tous les sens » pendant quelques années, avant de décider de concentrer son énergie sur les paysages urbains du Guangdong, focus qui a donné lieu à deux beaux-livres, Impressions de Canton (2005) et Canton aujourd’hui (2010). Toujours installé dans la capitale du Guangdong, Chen Bixin est reconnu comme coloriste de paysages urbains et de prises de vue nocturnes. Il s’intéresse aussi à des sujets de société — il a notamment réalisé un travail au long cours sur l’étonnant institut bouddhiste tibétain de Sêrtar — qui l’ont fait voyager aux quatre coins de la Chine. Ses reportages sont régulièrement publiés dans la presse chinoise. Il est membre des agences en ligne Panorama Stock, Viewstock et TPG, enseignant à l’Institut de photographie par correspondance de Pékin et membre de l’association des photographes de Chine.