A Gien, le château surplombe les toits de la ville pour dominer la Loire qui s’écoule, au rythme des saisons, plus ou moins paresseuse. Une douceur apaisante s’impose depuis que les transits automobiles sont priés de traverser le fleuve hors les murs de la cité et de son vénérable pont. Pour une fois qu’il est possible d’aborder une exposition ‚ l’esprit libéré et relaxé, sans avoir à jaillir d’une bouche de métro ou d’une voiture avide d’une place de stationnement. Il est toujours judicieux de le partager lorsque nous rencontrons de tels miracles. Ils se font tellement de plus en plus rares.
Cette exposition nous attend dès les grilles extérieures et à l’intérieur de ce Château Musée de Gien. Un très beau monument, d’une facture renaissance particulière, qui a été miraculeusement épargné (encore un !) lors des terribles bombardements de 1940 qui ont ravagé tout le centre-ville. La très grande église, quasi attenante au château, s’est trouvée incluse dans les destructions. Pour la petite histoire, il n’est pas inutile de savoir qu’après son acquisition par le département du Loiret, ce bâtiment s’est retrouvé, à la fois, sous préfecture, tribunal et prison. Ce n’est qu’au milieu du vingtième siècle qu’il sera réaménagé en château musée par son propriétaire.
Ce décor très serein est planté pour accueillir, en présentation provisoire, une série de photographies de Francis Latreille, lui-même originaire de la banlieue (rive sud) de Gien.
Si l’écrin mérite le déplacement à lui seul, cette exposition temporaire nécessite une visite pour les amateurs de photographies et les passionnés des terres arctiques. Grand reporter photographe, Francis s’est forgé une solide réputation comme spécialiste du grand nord. Ses expéditions régulières avec Jean-Louis Etienne sont venues consolider ses reportages sur les extractions du permafrost sibérien, en particulier ceux concernant les mammouths. Ses photographies ont été visibles dans les journaux et les revues du monde entier, tant pour les spécialistes que pour le grand public. Nous avons tous vu des images de Francis, sans prêter attention à qui en était l’auteur. Comme ce fut le cas, pour beaucoup de ses collègues dont les noms sont restés très discrets derrière leurs œuvres.
Après le lieu d’accueil et le photographe, attardons-nous sur l’essentiel qui nous importe : les photographies. Hors le commissariat et la scénographie de cette exposition judicieusement adaptés, par Olivier Marchand, à la spécificité des lieux ; le choix et la qualité des tirages (mais oui, il se trouve encore quelques bons tirages d’expositions) permet une immersion tant émotionnelle que pédagogique réussie.
Ensuite, l’analyse de chaque prise de vue (étape primordiale pour les grands reportages de presse) laisse apparaître tout ce qu’il faut entreprendre pour réussir de bonnes images. Les contraintes qu’il est indispensable de maîtriser dans leur intégralité. Imaginez, que vous êtes par moins 25 degrés Celsius, avec un appareil métallique et des pellicules dont le composant essentiel est de la gélatine. Toutes les 36 vues, vous devez changer le film dans le boitier. La gestion de lumières variables dans un décor totalement blanc sollicite en permanence le posemètre installé dans votre tête de photographe. La composition de l’image qui détermine la valeur du message implique une maitrise de vos réflexes graphiques de tous les instants. En résumé, l’improvisation imparfaite actuelle présente dans presque toutes les expositions, dites d’art contemporain, n’est pas de mise ni dans l’Arctique ni dans les témoignages photographiques de Francis Latreille.
Chacune de ses photographies l’emporte sur l’auteur. Ce qui n’empêche nullement l’ensemble, dans sa cohérence, de mettre en valeur un des grands dompteurs de lumières de cette génération. Il est de ces arpenteurs de la planète dont les noms ne font pas forcément la une de la JetSet iconographique, mais dont les photographies de prise de conscience de notre planète ont informé le grand nombre.
Thierry Maindrault
EXPOSITION
Château de Gien
Musée de la Chasse
1 place du chateau
45500 Gien
mercredi au lundi de 13 h 30 à 18 h 00
jusqu’au 28 février 2025,
attention fermeture tout le mois de janvier 2025.
LIVRE
Francis Latreille « les derniers peuples des glaces »
éditeur Gallimard
232 pages137 photographies couleur, noir et blanc
format 24 x 29 cm
reliure cartonnée illustrée avec jaquette, papier couché satiné
éditeur Gallimard ISBN 978-2-7424-6056-4
35,00 euros