Voyage d’exploration à la Mer Morte à Petra et sur la rive gauche du Jourdain
Février – Juin 1864
Honoré d’Albert duc de Luynes, né à Paris en 1802, mettait volontiers son immense fortune au service des arts et des sciences. Sa passion pour l’archéologie et son intérêt pour la Bible l’amenèrent à projeter, vers la fin de sa vie, un voyage d’exploration dans la région peu connue et restée assez mystérieuse de la Mer Morte. Il envisageait de publier à son retour une relation de son voyage ornée de gravures héliographiques obtenues d’après les photographies prises au cours de cette expédition. En octobre 1863, séjournant à Hyères, il rencontra Louis Vignes (1831-1896) à qui il confia le soin d’en prendre les photographies. Louis Vignes avait pratiqué le négatif papier entre 1859 et 1862 et c’est probablement en raison de cette première expérience qu’il fut choisi pour l’accompagner ; on peut aussi supposer qu’il fut présenté à Charles Nègre. En contact très proche avec le duc de Luynes, Charles Nègre était l’inventeur d’un procédé de gravure héliographique sur acier et avait à cette époque un studio de photographie à Nice. Comme ce dernier, Louis Vignes allait utiliser pour ses négatifs, le verre albuminé et à la fin de son périple, le papier ciré.
Le 9 février 1864, le duc de Luynes et Louis Vignes quittèrent Marseille et atteignirent Beyrouth le 21 du même mois. Le 27, ils prenaient la direction de Jérusalem pour un voyage de quatre mois. De retour en France le duc de Luynes s’occupa à la préparation de l’ouvrage devant faire la synthèse de son expédition. Le 16 mars 1865, il signa un contrat avec Charles Nègre pour produire au plus tard le 1er janvier 1868, les plaques de gravures héliographiques et les épreuves d’essai des photographies de Louis Vignes. Dès le mois de mai, Charles Nègre se mettait à travailler sur cette commande. L’importance de la tâche était telle que, de janvier à avril 1866, il n’avait accompli la dorure et la morsure que de dix-huit plaques héliographiques et de mai à aout 1867 celles de douze autres plaques.
Durant cette période, Charles Nègre candidat au Concours du duc de Luynes, envoya à la Société française de photographie, chargée d’organiser le prix, quelques héliogravures réalisées d’après les négatifs de Louis Vignes. En avril 1867, la commission chargée de juger les concurrents rédigea son rapport. Elle reprocha à Charles Nègre la trop grande difficulté de son procédé et aussi les retouches des héliogravures pourtant demandées par le duc de Luynes lui-même. Selon cette commission, ces retouches trahissaient les intentions du fondateur du prix, soucieux de voir vulgariser par des procédés faciles et pratiques, les documents utiles aux savants, archéologues et artistes. Le prix fut décerné à Alphonse Poitevin. Charles Nègre avec une certaine amertume se défendit, sans succès, par une lettre adressée à la Société française de photographie. Il expliqua que c’était à la demande du duc de Luynes que toutes les imperfections des négatifs avaient été corrigées. La reproduction photographique de la nature commencée par la lumière, mais restée incomplète, avait été terminée manuellement, révélant ainsi la nature des retouches sur les ciels et les eaux effectuées sur les plaques d’acier.
Le 14 décembre 1867, le duc de Luynes mourait à Rome. Ses petits-fils, sous la direction du comte de Vogüe, se chargèrent de finaliser son projet. De 1871 à 1875, ils firent paraître en livraison un mémoire et l’Atlas illustré de l’expédition « Voyage d’exploration à la Mer Morte, à Petra et sur la rive gauche du Jourdain, par Monsieur le duc de Luynes ». Charles Nègre avait fourni les soixante-quatre plaques d’acier héliogravées d’après les photographies de Louis Vignes destinées à cet Atlas.
L’ensemble de cent dix tirages originaux, papier albuminé et épreuves d’essai des héliogravures tirées à l’encre noire sur papier décrit dans cette publication, provient de l’archive familiale et de l’album personnel de Charles Nègre. Les numéros de planches correspondent à ceux de l’Atlas publié entre 1871 et 1875 par les petits-fils du duc de Luynes. Un certain nombre de tirages sur papier albuminé comporte des dessins de nuages dans les ciels neutres. Ils figurent la plupart du temps sur les tirages inversés. Ces dessins, de la main de Charles Nègre, correspondent aux nuages rapportés dans les héliogravures de l’Atlas de 1875 (publié par livraison de cinq planches au prix de 6 francs). Ils étaient les repères et les aide-mémoire des reports manuels de Charles Nègre sur les plaques héliographiques en acier.
En dépit des critiques du jury du Concours du duc de Luynes, Charles Nègre réussissait finalement avec cette première publication à faire paraître son intention de reproduire et de corriger la nature.
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