On a célébré l’année dernière, en 2020, les deux cents ans de la naissance de Charles Nègre. Cette même année mon père Joseph Nègre aurait eu cent ans car il était né en 1920, un siècle à quelques jours près, après son illustre grand-oncle.
Cette coïncidence de dates illustre symboliquement la continuité de l’intérêt de ma famille à l’œuvre de Charles Nègre qui ne s’est pas démenti à la fois pendant sa vie et après sa mort, durant ces cent années écoulées et au-delà, puisque j’ai également l’honneur de contribuer modestement à l’héritage de mon arrière grand- oncle.
Et pourtant, rien ne prédestinait Charles Nègre à devenir l’artiste et le créateur qu’il fût. Fils d’industriel confiseur à Grasse, il eut la chance d’avoir un père, Jean-Joseph, qui après s’être fait confirmer que son fils avait le minimum de talent requis, lui permit, chose rare à l’époque, de suivre des études d’art à Paris et de poursuivre ses activités artistiques et de recherches, en lui accordant sa confiance et son support financier.
A sa mort en 1880, ses photographies, ses héliogravures et ses archives qui vraisemblablement intéressaient moins ses héritiers, frère et sœurs que ses tableaux, ne firent pas l’objet d’une répartition entre eux et purent être, de ce fait, conservées dans la maison familiale.
Le monde de la photographie et de l’image permanente, de l’Art en général, a eu ainsi la chance que Charles Nègre ait pu, grâce au soutien de sa famille, développer son art et sa créativité, et qu’ensuite ses descendants aient pu préserver l’intégrité de son œuvre pour l’amener intacte jusqu’au début du XXIème siècle avant qu’elle ne soit dispersée en mars 2002 lors de la vente chez Sothebys.
Françoise Heilbrun, Conservateur en chef au Musée d’Orsay constate à propos de Charles Nègre que « la masse des documents qui demeure, pieusement conservée par la famille et des collectionneurs, constitue un fait tout à fait exceptionnel pour l’histoire de la photographie pour laquelle si peu d’archives ont été conservées ».
Puisque l’occasion m’en est donnée, je voudrais rendre hommage à mon père, qui sa vie durant, n’a cessé de promouvoir, de rassembler, d’illustrer, de faire connaître, d’exposer l’œuvre de son arrière grand- oncle. Dans une famille où toutes les générations en 130 ans sont nées sous le même toit, celui des appartements jouxtant la Confiserie, il était presque normal que le dernier qui y fût né, mon père, consacra toute son énergie et son cœur à sortir Charles Nègre de l’anonymat où il aurait pu rester pour lui donner sa place parmi les grands pionniers de l’image et parmi les illustres représentants de la ville de Grasse qu’il aimait tant.
Dominique Nègre