A l’occasion de leur troisième anniversaire, les Editions Montsalvens lancent une nouvelle collection de beaux livres dont le premier ouvrage s’intitule Grains de beauté. Il retrace l’aventure extraordinaire de Charles Morel, fils d’un marchand de farine vaudois venu s’établir en Gruyère. Libraire et papetier, il est devenu un des photographes emblématiques du canton de Fribourg. Dans un ouvrage richement illustré de photos d’époque, son petit-fils René Morel raconte l’histoire de cette famille. Ce sont plus de 330 reproductions de cartes postales d’époque qui illustrent les villes et villages du district ainsi que divers thèmes. Le fonds Charles Morel, qui comprend 2500 sujets de cartes postales, a été donné au Musée gruérien par la Société des Amis en 2002.
Charles Morel est le cinquième enfant de Jean, boulanger, de Marnand dans la Broye. Il est né à Bulle, où ses parents venaient de s’installer, le 3 janvier 1862, dans une petite maison de la rue de Vevey où il a failli périr dans les flammes à l’âge de quelques mois.
Dès l’âge de 20 ans, Charles collabore au commerce de farines exploité par son père et ses sœurs Emma, Lina et Caroline à la rue de Gruyères, à côté du Café du Moléson. Cette même année 1882, il est nommé gérant de l’imprimerie du Journal « La Gruyère » qui vient d’être fondée, où il restera 5 ans.
En 1887, Charles Morel, âgé de 25 ans, ouvre un commerce où il restera actif jusqu’en 1947. On trouve son enseigne de librairie, papeterie, reliure, encadrement et photographie à la rue de Gruyères, à l’actuel No 21.
En 1906, il transfère son commerce de librairie, papeterie et photographie dans l’immeuble qu’il a acquis, avec une entrée à la Place des Alpes et l’autre à la Rue de Vevey. Au centre du magasin, il installe une chambre noire pour développer ses plaques photographiques et tirer les épreuves de ses cartes postales.
Secondé par Roger, l’un de ses quatre fils, qui reprendra le commerce en 1947, il peut s’adonner à ses nombreuses activités sportives, notamment en montagne avec le CAS, mais aussi à la pratique du chant : pendant 65 ans, il a été membre de la Chorale de Bulle. Membre actif de la Paroisse réformée de la Gruyère, il a présidé celle-ci pendant de nombreuses années.
Charles Morel est décédé le 3 mai 1955 l’hôpital des aveugles à Lausanne, car il avait perdu la vue à cause de la cataracte. « Farce du destin » pour un homme d’image !
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Avant de découvrir la photographie, Charles Morel a pratiqué le dessin en amateur averti. Preuve en soient les carnets de dessins ainsi que quelques tableaux qui nous sont parvenus, datés de 1886 à 1900, avec une progression constante dans la précision du trait et des perspectives, sans oublier le rendu particulièrement détaillé des arbres.
Dès l’âge de 24 ans, mon grand-père a cherché à représenter son environnement, parfois par des images en couleur de divers formats, mais surtout au travers de dessins au crayon, dans des carnets de 22 x 17,5 cm ou 28 x 22,5 cm. Ses sujets sont pour la plupart issus de la Gruyère, à quelques exceptions près, notamment autour du Léman.
Lors de courses en montagne qu’il affectionne, il utilise plutôt des cartes postales déjà imprimées avec un petit sujet touristique, sur lesquelles il ajoute au crayon la représentation d’un sommet ou d’une chaîne de montagnes, ce qui leur confère un aspect original.
Lorsqu’il décide de commencer à éditer des cartes postales en 1898, il achète ses premiers sujets photographiques à certains éditeurs. Parallèlement, il choisit de créer ses propres sujets. À cet effet, il dessine à la plume et à l’encre de Chine ou au crayon une dizaine de sujets au format 9 x 14 cm, dont sept sont imprimés de suite à 1000 exemplaires chacun.
En septembre 1905, il dépose auprès du Bureau fédéral de la propriété intellectuelle à Berne un lot de 125 dessins afin de les protéger, probablement en vue d’en faire des tirages ultérieurs. Je n’ai malheureusement pas retrouvé ces documents, mais seulement une attestation de dépôt.
Charles Morel – Grains de Beauté
Éditions Montsalvens / Septembre 2019