« Il n’y a qu’une nuit, il n’y a qu’une ville, il n’y a qu’une seule route.
Le long du Highway, la nuit défile. Insomniaque et fragile. Rendue invisible par la tôle et la vitesse de mon véhicule, je m’invite là où on ne m’a pas invité.
Protégée par la discrétion de la nuit, je surprends en un éclair les habitants chez eux. Je dîne à leur table, je regarde leur télé, je couche dans leur lit. Soudain, leur intimité si rare et précieuse m’est simplement offerte. Telle une invitation muette, je suis avec l’Autre. Je guette mes anonymes intimes. Ils sont bien plus que l’histoire qui les contient. Ils sont ces millions de solitudes qui forment le cœur des cités.
A Tokyo ou au Caire, à Sao Paulo ou Hong Kong, mais encore à Bombay et Calcutta, j’entame un dialogue au cœur de la nuit. Comme sur un ring, je monte sur ce Highway, saisir des échantillons de vie.
Des photographies donc, en noir et blanc, prises au vol, depuis le flyover qui traverse la ville. Contre la nuit ignorante, en suspens, une multitude de fenêtres éclairées, comme autant de promesses. Elles me dévoilent des micro-mondes : simples ou surchargés, débordants ou solitaires, ce je ne sais quoi recherché au fil des Highways.
Lost Highway raconte cette part commune à toutes les grandes cités, là où les frontières n’existent plus. Les familles sont du même amour, les solitudes de la même violence sourde, les attentes de la même lenteur : tous mêmes soupirs d’un langage universel.
Il n’y a qu’une nuit, il n’y a qu’une ville, il n’y a qu’une seule route. »
Chantal Stoman
Née en 1967, Chantal Stoman est une photographe française qui vit et travaille à Paris.
Portfolio week-end sélectionné par W.M Hunt