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Centre Pompidou-Metz : Voir le temps en couleurs

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Visible au Centre Pompidou-Metz jusqu’au 18 novembre 2024, Voir le temps en couleurs n’est pas une exposition sur la couleur, comme se l’est vu répéter Sam Stourdzé.

Le spécialiste de l’image contemporaine et directeur de la Villa Médicis depuis 2020 propose d’explorer les trois grands défis qui ont animé la photographie depuis sa création : fixer l’image, le temps et la couleur. Trois défis techniques dont chaque progression a permis des avancées esthétiques. C’est cet angle que l’exposition met en lumière à travers un parcours pensé comme une « grande promenade esthétique et subjective » au sein de l’histoire de la photographie. Le parcours se déploie en dix-sept salles racontant chacune une « petite histoire » du grand récit photographique.

Cette promenade, Sam Stourdzé n’aurait jamais cru la voir un jour montée dans une salle d’exposition: « c’est un projet qui se serait plutôt vu sous la forme d’un livre tant réunir un si grand nombre de chefs d’œuvre paraissait impossible. » Voir le temps en couleurs rassemble des prêts exceptionnels qui ont permis des rapprochements dont le commissaire « rêvait depuis plus de trente ans ». Mettre côte à côte les marines de Gustave Le Gray et les Seascapes de Hiroshi Sugimoto par exemple ou encore les constellations de Thomas Ruff et les premières photographies de la voie lactée prises par les frères Henry à la fin du XIXe siècle. Tandis que les images spatiales nous racontent la naissance de la notion de preuve photographique — sans ces photographies, comment témoigner de notre conquête du ciel ? — les paysages marins évoquent la tentative de saisir la mer et le ciel dans un même cadre : si Sugimoto ralentit le temps à travers des poses longues, Gustave Le Gray les réunira par le biais du montage, combinant deux négatifs.

Le visiteur découvrira également un ensemble inédit des clichés réalisés au flash stroboscopique, technique qui a fait la renommée d’Harold Edgerton. Parmi eux la célèbre couronne créée par une goutte de lait tombant sur le fond d’une casserole ou encore la pomme traversée par une balle de calibre 30. Quelques années plus tard, l’américaine Berenice Abbott poursuit ces recherches lorsqu’elle collabore avec le Massachusetts Institute of Technology (MIT). Le mouvement des balles se décompose dans des vues scientifiques et très poétiques, des images méconnues de la photographe dont on connaissait surtout les vues de New York.

Chaque salle fonctionne comme une exposition dans l’exposition. Mises bout à bout, elles nous font prendre toute la mesure des différentes manières dont les photographes ont tenté de saisir l’un des trois facteurs essentiels pour capter la réalité. Cette « quête de voir » a commencé dès la naissance de la photographie au XIXe siècle et continue d’exister aujourd’hui sous bien des formes. En témoigne le superbe cyanotype lunaire du photographe Hugo Deverchère ou les fines lamelles de roche sédimentaires projetées sur du papier photosensible, avec lesquelles Dove Allouche nous fait entrevoir « les potentialités encore inexplorées du médium photographique ».

L’exposition raconte aussi des redécouvertes, de personnalités ou de pratiques. La couleur fut par exemple longtemps boudées par les artistes et laissée aux amateurs ou à la presse. L’Histoire a pourtant révélé que beaucoup de photographes l’employaient : Yevonde Middleton, dite Madame Yevonde, livrait des expérimentations chromatiques grâce au procédé Vivex dès les années 1930. Saul Leiter également, dont l’œuvre n’est redécouverte que dans les années 1990 et ce grâce à son travail en couleurs. Dans les années 1970, si les américains Joel Meyerowitz, Stephen Shore ou William Eggleston furent considérés comme les pionniers de la photographie couleur, on a trop facilement oublié qu’Helen Levitt avait ouvert la voie à la reconnaissance de la couleur en 1974, en projetant un diaporama de quarante diapositives au MoMA, une présentation innovante que Nan Goldin reprendra dix ans plus tard.

Ce qui frappe tout au long du parcours, est la beauté de ces images, souvent issues d’expérimentations scientifiques. L’exposition montre avec brio comment ces conquêtes ont aussi permis des avancées esthétiques majeures. L’ambition de Sam Stourdzé était de mettre en lumière l’originalité du regard des photographes sur le monde, qui les élève au rang de grands artistes, alors même que le médium n’est vraiment reconnu comme une pratique artistique que depuis une vingtaine d’années. Pendant longtemps, il a continué d’être comparé souvent à la peinture. Retournement cocasse, l’exposition se conclut par des toiles de l’artiste allemand Gerhard Richter qui préfère peindre d’après des photographies pour ne pas se laisser « contaminer par la subjectivité du réel. » Un choix qui résonne avec un souhait de Sam Stourdzé : « J’espère que nous pourrons un jour dire d’une peinture qu’elle aussi belle qu’une photographie. »

 

Commissariat : Sam Stourdzé

Voir / Le Temps / En Couleurs
Les Défis de la Photographie
Du 13 juillet au 18 novembre 2024
Centre Pompidou-Metz
1 Parvis des Droits de l’Homme
57020 Metz, France
www.centrepompidou-metz.fr

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