Son nom : Celine Ravier .
Elle vient d’écrire un livre remarquable, intitulé :
[AUTO]ÉDITION PHOTOGRAPHIQUE. Enquête sur une mutation.
Le livre est publie chez l’éditeur Arnaud Bizalion.
Nous publierons en quatre fois les principaux themes de l’ouvrage !
Aujourd’hui, à l’ère des avancées technologiques et numériques, en une poignée de décennies seulement et en dépit de la « mort du livre » maintes fois annoncée, beaucoup de photographes considèrent le livre de photographies comme le support le plus essentiel pour transmettre leur vision à un vaste public. Ces évolutions technologiques qui menaçaient l’objet livre leur donnent en fait la possibilité de s’éditer et d’avoir un contrôle, non seulement sur la reproduction de leurs images, mais aussi sur la façon de les associer et de les présenter. Le livre de photographie reste un cas à part et maintient son support papier malgré ou grâce aux avancées numériques.
Cette étude découle de ce constat : de plus en plus de photographes éditent ou souhaitent éditer leurs propres livres. Adossé aux solutions technologiques récentes, en parallèle au marché de niche de l’édition photographique, un nouveau monde de l’autoédition, connu principalement du « petit monde de la photographie », évolue et se développe de façon quasi autonome.
Au-delà des rares articles de presse existant sur cet univers, il me semblait ici intéressant d’avoir une vue d’ensemble sur les évolutions et révolutions du marché du livre de photographies contemporain. De quelle façon ce livre évolue-t-il avec les avancées technologiques et numériques, quels sont les impacts de cette transformation sur le travail des photographes et sur le paysage du marché actuel de l’édition photographique en France ? Les réponses à ces problématiques s’appuient d’une part sur un travail de recherche littéraire et scientifique, d’autre part sur une série d’entretiens réalisés auprès de ceux qui sont au cœur de la chaîne de production du livre photographique : éditeurs, photographes, imprimeurs, libraires, critiques photo et plus largement photographes autoédités.
Le livre de photographie : histoire et évolutions
Depuis les balbutiements du procédé photographique, édition et photographie vont de pair. C’est en 1844 en Angleterre que paraît le premier livre, « The Pencil of Nature », de William Henry Fox Talbot, pionnier de la photographie. La première image de Nicéphore Niépce, l’inventeur de la photographie, datée d’environ 1822, nous confirme ainsi que l’adoption du livre comme medium photographique a été très rapide.
La photographie « de voyages » au XIXe siècle était essentiellement liée au livre. Elle trouvait sa place dans les bibliothèques ou dans les archives qui abritaient des épreuves originales et non des reproductions. Pendant une grande partie du XXe siècle, la plupart des photographies, comme celles de Henri Cartier-Bresson, étaient destinées à la presse ou à l’édition.
Dans l’entre-deux-guerres, dadaïsme et surréalisme conjuguent photographie et art sur des modes inédits tels que le photomontage, la photographie documentaire ou illustrative et les expérimentations de toutes sortes (solarisations, surimpressions, distorsions…). Les années 1920-1930 voient s’affirmer, quant à elles, le style documentaire et de représentation du quotidien.
Ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale, et particulièrement à partir des années 1960 que l’histoire et la théorie de la photographie vont devenir l’objet d’une attention plus soutenue. Dans « Un art moyen. Essai sur les usages sociaux de la photographie » paru en 1965, le philosophe et sociologue Pierre Bourdieu décrit l’immense popularité de la photographie en tant que pratique culturelle et aborde le rôle d’un second objet technique qu’est l’album photographique en tant que circulation de façons de faire, d’usages ou de savoir-faire. Toutefois, selon lui, la possibilité de reproduction illimitée de la photographie intimement liée à la notion d’originalité ne peut distinguer la photographie comme une pratique artistique en tant que telle.
Au début des années 1990, l’avènement de la photographie numérique est décrit à la fois comme une révolution et une catastrophe. Pourtant, malgré un saut technologique considérable, on a pu observer une continuité des formes et des usages. Selon André Gunthert, spécialiste d’histoire de la photographie, « pendant une vingtaine d’années, la transition numérique n’a affecté qu’à la marge les pratiques visuelles. Contrairement aux prédictions les plus sombres, les journaux ont continué à publier des reportages illustrés, les parents à prendre leurs enfants en photo».
Céline Ravier