« Mémoire(s) d’une saison » propose une promenade hivernale sur le front de mer de la station balnéaire de Saint-Jean-de-Monts. Dans les années 1960, pour répondre au besoin croissant de logements saisonniers sur la côte, de nombreux fronts de mer se construisent et de grands immeubles aux lignes souvent expressives remplacent les villas bourgeoises et les plages sauvages. Architecture souvent critiquée pour sa matérialité et sa présence forte dans le paysage, elle incarne cependant une époque où chacun souhaite s’offrir quelques jours d’évasion et de distraction dans l’année, tout en profitant du confort moderne.
Au cours de mes années d’études en école d’architecture, j’ai développé une fascination pour ces projets dont la grandeur et le geste témoignent des idées qu’ils incarnent. Le contraste saisissant entre ce lieu tourbillonnant de vie et de sollicitations en été, et ce même lieu plongé dans le calme absolu de l’attente hivernale, m’a conduit à vouloir interroger la notion d’occupation saisonnière du territoire. Je souhaitais observer ce qu’il en advient lorsque les vacanciers le désertent, et aussi saisir la manière dont cette utopie balnéaire se retranscrit sur ce territoire, la manière dont se matérialise le désir de loisirs, de détente et d’ailleurs.
J’ai donc ressenti le besoin d’aller explorer ce lieu au milieu de l’hiver, pour me confronter à l’espace seul. Le sentiment de solitude et de douce latence confèrent soudain aux rues et aux plages une ampleur théâtrale, donnant le sentiment étrange de se trouver dans un décor de cinéma sans acteurs. L’utopie semble alors mise à nue et les murs aptes à parler des histoires qu’ils renferment.
J’ai eu l’envie de dresser une série tableaux de ce lieu, comme une suite de petites scènes qui attendent que les personnages prennent (ou reprennent) leur place. En leur absence, le lieu ne vit plus mais beaucoup de souvenirs semblent émerger en silence. L’idée de collecte de bribes de souvenirs me plaisait. Collecter les souvenirs d’une saison terminée et ceux d’une époque dont le rêve semble aujourd’hui un peu désuet.
Mémoire d’une saison. Mémoire d’une utopie.
