En 2009 il réalise “1784”, une série dans laquelle il mêle encore et toujours les incohérences, brouille les frontières du temps et de l’espace, confronte nos images mentales et nos perceptions. Mais tandis que “The Dark Lens” et “Nous resterons sur terre” faisaient appel à nos souvenirs du futur, “1784” réveille nos fantasmes du passé.
Dans “1784” Cédric Delsaux transpose des gens d’aujourd’hui dans un monde d’hier et revisite la peinture historique. Il pose un cadre, anachronique, et il laisse faire les êtres, les choses, la lumière, il laisse surgir le réel sur cet espace-temps erroné. “La photographie se fait au moment où elle se fait”.
Conçue dans l’esprit du court-métrage, avec une esthétique publicitaire, “1784” a été. réalisée en 7 jours dans un décor grandiose et déréalisé, un château au paysage aveugle, cerclé de forêt, sans horizons, sans échos, avec des comédiens en costumes d’époque et maquillage authentique… Tout y est. Sauf le sens, un trop-plein qui reste une énigme, “une mise en abîme qui nous conduit à réfléchir au sens que l’on cherche à donner aux photos à tout prix”.
“1784” est un mélange de vérité et d’accidents déroutants, comme une vaste campagne de pub qui aurait mal tourné. On y voit une aristocratie stagnante, sans aucune pulsion de vie, des comédiens qui disent quelque chose d’incompréhensible, des détails anachroniques, des situations absurdes, tout cela encapsulé dans une esthétique qui colle bien à la belle histoire de nos souvenirs fabriqués mais pas du tout à l’idéalisation que l’on s’en est faite.
“1784” adopte une esthétique publicitaire mais sans aucune règle de la publicité : pas d’émotion pas de promesse, pas de désir. “On déchante”. Le monde nous est proposé comme une fiction, tout est très réfléchi, mais au contraire du “joke visuel” de la publicité, Cédric Delsaux nous propose une téléportation par l’absurde et le précieux dans le monde des idées, pour mieux revenir sur nos perceptions et appréhender le réel avec authenticité.
“1784” fut pour Cédric Delsaux et tous les participants –quasiment que des bénévoles- une expérience étrange et inoubliable. Entre-aperçue il y a deux ans cette série n’a jamais été vraiment montrée ni exposée. Elle n’a provoqué aucune réaction, ni positive, ni négative, elle est restée un objet flottant, encore indéfinissable, non référencé.
D’autres images devront encore sortir de la “boîte”, vues à l’editing elles sont en cours de maturation dans l’esprit du photographe, qui lentement mûrit son propos et son esthétique pour que “1784” se pose finalement dans un livre en 2012.
Séverine Morel
Casting : Elsa Georgelin/Felix the Cast – Stylisme : Isabelle Baudry – Coiffure-maquillage : Pierre François
Séverine Morel
