Catherine Balet surprend encore. Après le succès de sa dernière série Looking for the Masters in Ricardo’s Golden Shoes dans laquelle elle revisitait les grandes icônes de l’histoire de la photographie, Catherine Balet revient à ses premières amours, et rend hommage à son passé. Dans ce travail en construction depuis près de vingt ans, elle convoque une pratique picturale délaissée à la fin des années 90 et donne naissance à des compositions cubistes inclassables, jouant des transparences et de collages surréalistes réalisés à partir d’images photographiques.
A la manière d’une peintre, mais cette fois grâce à une palette d’outils numériques, Catherine Balet intervient donc sur ses propres toiles. Les images, qu’elle glane dans ses archives personnelles – photographies de famille ou intimes – ainsi que sur internet, abreuvent son imaginaire et deviennent le ferment d’une œuvre protéiforme. La peinture rencontre la photographie, et l’artiste invite dans ce foisonnement visuel hommes, femmes, enfants, chiens, objets du quotidien, à se côtoyer dans un même décor, troublant ainsi le regard du spectateur désireux de démêler les entrelacs d’une histoire en train de s’écrire.
Catherine Balet met en scène dans ces images-tableaux des huis-clos hallucinés, desquels ses personnages ne semblent pouvoir s’échapper. Isolés, face à eux-mêmes ou aliénés à leurs écrans, ces figures hiératiques évoluent dans un monde contemporain, celui de la modernité, de la technologie. Pourtant, notre œil détecte ça et là des réminiscences du passé. Le temps est suspendu, ces hommes et ces femmes, à la destinée incertaine, semblent perdus dans les espaces qu’ils traversent. Tels des êtres fantomatiques, ils sont les protagonistes d’un film, d’une pièce de théâtre ou encore d’une peinture classique. Là, dans une forme d’irréalité, où se jouent les petites scènes de notre vie quotidienne, ces figurants deviennent peu à peu les acteurs et les témoins de nos propres existences.
Dans ce geste d’accumulation, Catherine Balet bâtit depuis des années les couches successives d’une sédimentation mémorielle, un palimpseste, allant puiser dans son inconscient suractif nourri d’histoire de l’art des références aux grands mouvements de la peinture. Hockney, Ingres, Bacon, Manet, Monory, et tant d’autres s’invitent à sa table, dialoguant avec l’œuvre en train de naître. Mais l’artiste s’affranchit délibérément des grands maîtres et se nourrit de bien d’autres matières. Et c’est bien dans cette imagination débordante, dans cette envie irrépressible de dire le monde qui l’entoure, que Catherine Balet révèle au grand jour nos désirs, nos fantasmes et nos peurs et revendique dans une posture artistique à la croisée des chemins, une grande liberté d’expression, embrassant loin les possibles de la création aux limites sans cesse repoussées.
Fannie Escoulen
Commissaire de l’exposition
Catherine Balet – Moods in a Room
du 5 février au 30 mars 2019
Galerie Thierry Bigaignon
9 Rue Charlot
75003 Paris
http://www.thierrybigaignon.com/