L’Œil de la Photographie ouvre le second chapitre de sa nouvelle rubrique avec le soutien de MPB, les « Cartes blanches ». Chaque mois, un photographe français donnera à voir une série inédite de ses mains comme de son regard, s’essayant par là-même à du matériel prêté par la plateforme internationale d’achat, revente et échange de matériel photographique.
Après avoir convié Laurent Poleo-Garnier et sa série « Agent Double », la photographe Julia Gat capture la fin d’hiver en bord de mer à Marseille dans le cadre de son projet Mare Internum, avec l’appareil Fujifilm GFC 100s.
« Mare Internum est un essai photographique traitant les bords de mer, dans le but d’étudier la construction d’identité en lien avec la mer, surtout en méditerranée et à travers mon histoire personnelle. Mené depuis plusieurs mois, il questionne la place de la mer dans le quotidien des habitants de ce littoral, notre rapport à un espace maritime commun via des pratiques de loisirs, des activités familiales ou amicales, mais aussi la place qu’elle occupe dans l’imaginaire.
Ce chapitre observe les dualités entre l’urbain et le naturel, le chaos et le calme, la chaleur des corps et le bleu des vagues. Mare Internum se traduit directement par « mer intérieure », synonyme de la mer méditerranée. Documentant intuitivement les personnes ou les lieux qui me sont chers, la mer intérieure devient personnage principal d’une expérience personnelle.
Entre la photographie documentaire et le portrait, je travaille toujours en projets long-termes sur l’intime ou la relation entre les gens et leur environnement. Mon premier livre photo, Khamsa khamsa khamsa (paru chez Actes Sud en 2022), parle de mes quatre frères et sœurs et de notre enfance.
Avec Mare Internum, je défie les limites du cercle familial lorsque je vais à la rencontre des usagers des plages de Catalans, Prado, Pointe Rouge, ou encore des terrains de pétanque. Un enfant jouant seul, un homme observant la mer, un couple d’amoureux, des ouvriers du bâtiment, une dame qui a décidé d’offrir des fleurs, des personnes qui viennent de se rencontrer à la plage et parlent de tout et de rien…
La photographie sert d’outil de connexion, et les bords de mer deviennent un espace égaliseur facilitant l’interaction. Je pense au concept du metaxu, des moments d’entre-deux, entre attente et mouvement. Les images parlent de confiance : je photographie avec l’autre, l’acte nous unit, nous permet de nous faire face et de nous voir, ou de faire face à la mer ensemble.
Je m’inspire des peintures d’Agnes Martin, qui dégagent une sérénité que je recherche dans mon propre travail. En photographie, mes inspirations sont éclectiques : Sian Davey, Alex Webb, Rineke Dijkstra, Valérie Jouve, Dudi Hasson, Marco Barbon… et plus récemment, j’ai découvert le travail de Danit Ariel, Bahia Ourahou, Sarah Balhadère et Matthieu Litt que j’aime beaucoup. Enfin, dans le cœur de ma pratique photographique, j’ai toujours été touchée par la relation aux formes, lumières et corps dans le travail de mes parents : ma mère, peintre plasticienne, et mon père, chorégraphe de danse contemporaine. Cela m’a rendu sensible à une certaine précision du geste.
Grandissant près de la mer, une grande partie de mon enfance a été passée dans un état de contemplation méditative, à observer l’évolution de la lumière sur l’eau, à regarder le soleil se coucher derrière l’horizon. Quand je suis partie pour mes études aux Pays-Bas et à New York, ça n’avait aucun sens pour moi d’être si loin de la Méditerranée, autant dans ma vie que pour mon travail. Les paysages, la culture, les couleurs et particulièrement la lumière en Provence sont au centre de ma photographie, et je veux continuer à développer ma pratique autour de cette mer.
Dans ma pratique, j’utilise une variété d’appareils argentique comme numérique. Je me laisse cette liberté de choix pour m’adapter aux besoins de chaque projet. Pour Mare Internum, je travaille surtout avec le Mamiya 645, et le Fujifilm GFX 100s fut mon premier moyen format numérique, prêté grâce à la plateforme MPB. Cet appareil m’a permis de trouver une certaine proximité avec les personnes photographiées, une douceur dans la fluidité d’utilisation.
Développé dans le cadre de la commande Bords de mer du Centre Photographique de Marseille avec le soutien du Département des Bouches-du-Rhône et de la DRAC PACA/Ministère de la Culture, ainsi que le programme de Mentorat 2024 de l’ENSP Arles – école nationale supérieure de la photographie, le projet Mare Internum sera exposé dans le cadre des Rencontres d’Arles / Grand Arles Express du 2 mai au 29 septembre ».
Julia Gat
Née en 1997 et vivant entre Rotterdam et Marseille, Julia Gat est une photographe et réalisatrice diplômée, entre autres, de la Willem de Kooning Academy et de la School of Visual Arts, New York.
Son œuvre entremêle un regard documentaire avec un art du portrait et de l’intime. Elle excelle à figer des environnements familiaux et personnels, à l’image de sa série Khamsa khamsa khamsa où l’image semble flotter comme un souvenir latent tout en formant un récit plus universaliste. A l’image de sa série en cours Mare Internum, son œuvre fait affleurer des dénominateurs communs – paysages de l’ordinaire avec la mer, ses horizons et ses réjouissances ou réflexions intemporelles sur la vie collective, l’amitié et la solitude.
Elle a récemment été exposée aux Rencontres d’Arles comme au musée de la Photographie des Pays-Bas. Lauréate du prix Polyptyque 2022, elle fut l’objet d’une exposition remarquable, d’une grande élégance, à la Galerie Sit Down, suivie d’un premier ouvrage, Khamsa khamsa khamsa publié par Actes Sud.
L’artiste comme L’Œil de la Photographie remercie chaleureusement la plateforme de revente de matériel photographique MPB pour son soutien. La rubrique « Carte Blanche » ne pourrait se faire sans leur concours.
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