Après une trentaine d’années de collaboration, le duo néerlandais Carmen Freudenthal et Elle Verhagen poursuit sur sa lancée, avec une nouvelle série à travers laquelle les artistes continuent leur exploration des frontières de la photographie, et de son potentiel de création d’illusions visuelles. Alors que par le passé, l’anecdotique a toujours formé une composante forte de leur travail, elles s’orientent ici vers le démantèlement de la narration quelle qu’elle soit. En parallèle, l’exposition se compose d’œuvres au fort pouvoir évocateur, des images qui absorbent le spectateur et l’invitent dans un monde tactile, à notre portée et lourd de présence, qui ne perd pourtant jamais de son mystère et s’abstient de révéler d’un seul coup toutes les mises en lien dissimulées dans ses multiples strates.
Les artistes ont puisé en partie dans les croquis et études réalisés pour des toiles de maître. Chez Rembrandt par exemple, certains détails du corps sont dessinés avec une extrême minutie, alors que d’autres surfaces restent vides ou vagues. À une époque où l’on accorde tant d’importance au fait d’avoir un corps parfait, le duo Freudenthal-Verhagen a cherché de nouvelles façons de déformer et de sublimer tout à la fois le corps humain, dans toutes ses imperfections. Dans les images qui résultent de leur travail, certaines parties du corps humain sont masquées, alors que d’autres sont illuminées d’un éclairage envoûtant, le poids de l’existence humaine devenant subtilement palpable. L’on pense à des références telles que les photos de mode les plus récentes et sophistiquées, au mouvement Dada et au surréalisme, et même aux étranges carcasses de Chaïm Soutine.
Si les images glacées, séduisantes et très esthétiques attirent l’observateur, elles gardent une certaine réticence et lorsque l’on pénètre dans l’univers à la fois enchanteur et décalé de ce duo d’artistes, l’émerveillement que l’on ressent se double d’un certain malaise. Les œuvres, prises et composées au studio, sont uniques : on a mené des interventions délicates sur chacune avec d’autres matériaux. Les images sont imprimées sur des tissus tels que la soie ou le coton, et retraitées au moyen de caoutchouc, d’époxy ou de laque, pour devenir des installations qui alternent les textures collantes ou lisses. Les matériaux affleurent à la surface de l’image et interfèrent avec l’espace tri-dimensionnel de la galerie.
Carmen Freudenthal et Elle Verhagen’s : Absorptions
19 février – 31 mars 2018
The Ravestijn Gallery
Westerdoksdijk 603-A
1013 BX Amsterdam
Pays-Bas
http://www.theravestijngallery.com/