Desmalgada *
La fête a commencé à la fin de l’été.
Chaque troupeau pait et profite encore des avant-soirées un peu plus courtes et déjà un peu plus fraîches.
Chiens, bergers, vachers contemplent sereinement la fin d’une longue saison qui a commencé aux alentours des fêtes pascales.
Un peu après ou un peu avant, en fonction des ans.
Puis, quelques agnelets arrivés sur le tard ont été pris en main par les gardiens des alpages.
Et la transhumance a commencé.
Il a fallu rassembler, compter et recompter, panser les plaies, réconforter les brebis égarées, féliciter les chiens de berger pour toute cette saison passée.
Entre amis. En famille.
Toutes et tous vont redescendre dans la vallée.
Retrouver femmes et enfants pour les uns, pailles fraîches et confortables étables pour les autres.
Quelques nuits se passent encore parfois à la belle étoile car le chemin peut être long.
Alors qu’ovins et caprins s’ébrouent en gambadant sur les coteaux où l’herbe est fraîche, les vaches, plus lourdes, guidées par leurs propres cloches, font halte dans une malga**.
Ici, les vachers et les fermiers vont frotter, laver, bichonner chacune d’entre elles avant de les décorer des plus jolies fleurs et des plus beaux bouquets.
Rien n’est trop beau.
Le temps s’arrête.
Seul compte la beauté du troupeau et l’accueil qui lui sera fait lors de la traversée des premiers villages.
La fête durera tout le samedi, toute la nuit et tout le dimanche.
Puis viendront les premiers froids, les premiers flocons, la couverture de l’hiver et dans quelques mois, et de manière bien plus discrète, tous prendront le chemin du retour vers ces espaces sauvages que sont encore les alpages.
Jean-Claude Raskin
*Desmalgada : terme en dialecte trentin qui définit le retour des troupeaux à l’automne et donne lieu à de grandes réjouissances
**La malga : désigne l’écosystème de l’alpage et l’ensemble des constructions –, étables, abris pour vachers et bergers – ainsi que le lieu où le lait est récolté pour y préparer le fromage.
