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Buenos Aires –Robert Doisneau, 1

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Chroniqueur sans faille d’une époque qui vit les petites gens chassés des quartiers populaires de la capitale, les paysans à la recherche d’un emploi venir grossir les rangs des mal-logés de la périphérie parisienne et les banlieusards repoussés au-delà des limites des anciennes fortifications de Paris, Robert Doisneau, lui-même natif de cette banlieue qu’il ne quittera jamais, s’est affirmé comme le poète attendri mais lucide de ces transformations urbanistiques et le chantre des populations qui les subissaient.

A peine sorti de l’Ecole Estienne où il avait appris la gravure et le dessin, l’envie le prend de parcourir Paris et sa banlieue qui, comme le dit le vieil adage qu’il cite volontiers « est un théâtre où l’on paie sa place avec du temps perdu ». Débutent alors ces longues errances, ces observations lucides mais attendries du petit peuple de Paris et de sa banlieue ; déjà les petits pavillons de banlieue, avec leurs murs en briques, leur jardinet clôturé et leur potager d’ou s’exhalait l’odeur du chou, symboles d’une vie simple et paisible disparaissaient car la ville avançait inexorablement, les loueurs de chevaux s’effaçaient devant les tramways et les autobus. Il fallut détruire les anciennes fortifications, raser la “zone” avec ses taudis et sa misère, l’aménager et l’urbaniser pour faire place à un réseau d’habitations à bon marché où s’entassaient les familles dans un confort relatif et une promiscuité qui allait provoquer les graves troubles sociaux de la fin du siècle dernier.

Doisneau, très influencé par les réflexions sur l’urbanisme et l’architecture que défend Le Corbusier, comprend la nécessité de ces transformations mais pressent l’urgence de témoigner sur la vie quotidienne du banlieusard : l’attente de l’autobus, le soin apporté aux plantations de légumes, les premiers pas des enfants, les loisirs du dimanche, le lapin ou la poule que l’on surveille jalousement en temps de guerre, et tous ces jeux d’enfants qui font de la “zone” un territoire merveilleux.

Tous ces petits riens, toutes ces notations n’empêchent pas cependant Doisneau, l’humaniste, de considérer aussi ce qu’il advient de la vie dans la capitale, qu’il s’agisse de moments d’émotion avec la chute du cheval, de tendresse avec la série, d’ailleurs mise en scène pour la revue Life des “baisers”, d’élégance avec l’entrée à l’Opéra ou d’humour avec ces diverses séquences : Le Louvre où les visiteurs observent Mona Lisa, les spectateurs devant la vitrine de l’antiquaire qui expose un tableau de femme nue ou le peintre du Pont des Arts. Autant de scènes prises sur le vif par un artiste qui sait décrire avec humour mais aussi avec gravité, avec tendresse ou avec regret, la vie toute simple des Parisiens et qui a consacré une grande partie de sa vie et de son art aux humbles habitants de la banlieue jusqu’à la fin des années 1950, suscitant émotion, amusement et nostalgie.

Agnès de Gouvion Saint-Cyr

Robert Doisneau

Jusqu’au 29 juin
Centre Culturel Recoleta
Avenida Pueyrredón Junín 1930
Ciudad Autónoma de Buenos Aires
Buenos Aires

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