Depuis dix-sept ans à 19h30, chaque jour de la semaine, il présente le journal télévisé à la RTBF. Il commente et analyse le monde et ses images, et réalise des reportages avec celles des autres. Au fond de lui, toujours cette même passion pour la photographie et le besoin presque charnel de tenir un appareil photo entre ses mains. En exposant ses Nuages noirs et blancs très contrastés, François de Brigode nous montre que, quels que soient les endroits que l’on traverse, il y a toujours des lieux et des moments magiques. Derrière les nuages le soleil brille toujours.
Vos nuages sont en noir et blanc. Est-ce parce que le ciel belge est rarement bleu ?
Non, vraiment pas. Depuis toujours j’aime particulièrement le noir et blanc. Même avant d’en faire moi-même, j’aimais le contraste et la force des photos noir et blanc
Je dirais même qu’il y a plus de couleurs dans le noir et blanc que dans la couleur. La variété des contrastes est plus grande, la couleur peut vite avoir un côté aseptisé.
Le nez en l’air, la tête dans les nuages, êtes-vous un grand rêveur ?
Absolument ! Je suis un grand rêveur. Je repense souvent à cette phrase d’un ami : « La meilleure façon de voyager c’est dans sa tête. » C’est peut-être dû au côté ultra-rationaliste et cartésien de mon métier, comme un besoin d’échappées belles par le rêve. Un homme sans rêve – ou sans projet – est un homme fini. Ce n’est peut-être pas réaliste, mais c’est une manière de s’alimenter.
Vous qui êtes en contact permanent avec l’image réelle, parfois dure, aviez-vous besoin d’air et de poésie ?
Depuis toujours, j’ai eu envie de faire ce métier de journaliste. Je suis un homme d’images, dévoreur, même celles plus dures du quotidien.
Il n’y avait pas la télé chez mes parents, elle n’est arrivée que plus tard. J’ai donc eu la chance de vivre au milieu des revues, magazines, journaux, de la presse, de Paris Match par exemple, qui était un des premiers à montrer tant de photos.
On écoutait aussi beaucoup la radio, qui renvoie quand même aux images.
J’ai donc été baigné dans cette atmosphère d’images.
Avez-vous songé à faire du reportage pur et dur, plus proche de votre métier de journaliste ?
Oui, cela m’a évidement traversé l’esprit. Vers 17-18 ans, je faisais tous les concerts de musique. J’ai un peu touché à ce type de prises de vues sans aller vraiment jusqu’au fond. En fait, j’ai démarré ma carrière en radio, et suis venu à la télévision plus tard, presque par hasard.
Dix-sept ans de présentation du JT, quel goût cela donne du monde ?
Je suis un éternel optimiste. En regardant les images du monde, si l’on se dit que tout va mal, je me dis que ça ne pourra qu’aller mieux. Et que finalement cela ne va pas si mal. Prenons par exemple le regard que nous posons sur l’Afrique à travers ces images de pauvreté et de guerres. Or, quand on est sur place et qu’on rencontre les gens, on prend toute la dimension de leur joie, on est émerveillé par la beauté de ces pays, la lumière, le soleil.
La vie est un kaléidoscope, infini et varié.
En quoi votre notoriété vous a-t-elle aidé, ou pas ?
Je fais des photos depuis quelques années déjà, égoïstement. Quand je montrais mes photos à mes proches, ils me disaient toujours que c’était pas mal. Et moi, je me disais que c’était parce qu’ils étaient mes amis. Je ne suis pas un grand utilisateur des réseaux sociaux mais lorsque j’ai commencé à mettre l’une ou l’autre de mes photos sur Facebook, il y a eu vraiment beaucoup de like. Je me suis alors demandé si c’était pour François de Brigode ou réellement pour mes photos. Un jour, un ami du milieu artistique m’a conseillé de faire une exposition et d’aller voir Pascal Young. Je me suis alors dit qu’il m’encourageait à titre amical. Je lui ai répondu que je n’avais pas du tout la stature pour exposer chez Young. Il m’a encore poussé et j’ai fini par appeler Pascal Young en lui disant : « Oublions qui je suis. » On a beaucoup discuté ensemble, j’ai entendu ses critiques, parfois dures, et aussi ses choix. On a vraiment construit cette exposition ensemble. C’est clair que quand on expose, on entrouvre la porte aux critiques. Mais ce qui compte avant tout, c’est que j’ai été tellement heureux de monter cette expo.
Le fait d’être présent dans le quotidien des Belges, costume impeccable et présence immuable, aviez-vous de donner une autre image de vous ?
Ce n’est pas une question d’image. C’est plus complexe. On n’est pas un bloc, on est multiple. Je voulais avant tout réaliser une envie, un projet. Et pas donner une autre image de moi. L’envie – comme toute femme ou tout homme – de réaliser quelque chose.
Qu’est-ce qui vous a particulièrement impressionné aux Rencontres d’Arles cet été ?
Avant tout, je dirais l’atmosphère générale, cool et relax. Les gens sont accueillants et se parlent, échangent au sujet des expos. On déambule et on visite 7 ou 8 expos, les unes après les autres. On devient boulimique de la visite. On se transforme en glouton optique.
Il y a aussi le fait que Arles est magnifique. C’est le beau dans le beau.
Quels sont les artistes ou photographes qui vous inspirent ?
A Arles, j’ai justement vu une exposition qui m’ a impressionné : La Guerre des gosses, de Léon Gimpel. Il a reconstitué des champs de bataille de la guerre 14-18 avec des enfants, et les a photographiés comme s’ils se battaient. J’ai beaucoup aimé, même si cela n’a rien à voir avec ma démarche.
Un photographe belge que j’aime beaucoup, c’est Michel Vande Eeckhoudt, qui était proche puisque c’était un ami de mon frère. Je me souviens avoir été marqué par le fait qu’il avait toujours son appareil photo sur lui.
Maintenant moi aussi !
Sinon évidemment William Klein. Et le photoreporter Don McCullin, et encore bien sûr Capa et Cartier Bresson, incontournables.
Avez-vous toujours eu cette fibre artistique ? Si c’était à refaire, vous miseriez davantage sur la photo ?
Oui, j’ai cette fibre artistique en moi, c’est mon caractère. J’aime, par exemple, la musique de manière assez éclectique, rock , jazz, toute catégorie.
A refaire, peut-être que je me serais en effet remis à la photo plus tôt.
Mais je me dis parfois heureusement qu’on n’a qu’une vie – c’est cela qui nous fait avancer.
Quel est votre sujet/projet suivant ?
Oui j’ai un projet déjà assez concret qui s’appelle Western. Ce sont des paysages, cette fois en couleurs, traités dans les tons sépia. Mais ce n’est pas pour de suite. C’est un projet, un moteur.
EXPOSITION
Nuages
François de Brigode
Jusqu’au 7 mars 2015
Young Gallery
Avenue Louise 75b
1050 Bruxelles
Belgique
younggalleryphoto.com
LIVRE
Nuages
Photographies de François de Brigode
aux éditions Lamiroy
Parution : 12 février 2015
70 pages
ISBN : 978-2-87595-040-6
20 €
François de Brigode sera à la Foire du Livre de Bruxelles les 27.02 – 28.02 – 01.03.