L’hôtel des poupées
Paris. À quelques pas de Pigalle, quartier historique de la prostitution, un hôtel meublé héberge une soixantaine de transsexuelles d’origine latino-américaine. Une sorte de havre de paix pour ces « maricones » ou « homos » comme elles s’appellent entre-elles. Mais aussi un ghetto dans lequel la société les « oblige » à vivre, car pour elles, se loger à Paris est un luxe. Pour pouvoir bénéficier d’un logement décent, il faut des garants, des fiches de paie, trois mois de caution, trois mois anticipés de loyer et bien sûr un bailleur qui ne se soucie pas de l’identité sexuelle de ses locataires. Faute de tous ces éléments, les transsexuelles qui travaillent au Bois de Boulogne comme prostituées sont reléguées dans des hôtels miteux.
Son séjour interdit par le patron de l’hôtel, Mara Mazzanti s’est introduite « clandestinement » dans ce lieu de l’intime pour témoigner avec une intensité complice, empreinte de retenue et d’humanité, des conditions d’asservissement de ces femmes qui ne se sentiront jamais chez elles, ni sur terre, ni dans leur corps. Par une photographie de la proximité, avec pudeur, tendresse et respect, elle confirme la conviction de la poétesse sud africaine Antjie Krog en démontrant que la détresse qui dépossède le présent du cœur qui aurait dû l’habiter ne permettra jamais l’avènement d’un temps parfait, ni dans la multitude, ni dans la solitude.
Mara Mazzanti
Née à Rome le 18.07.1973
Réside à Paris.
Fait partie du collectif : « Le Bar Floréal »