Rechercher un article

Bruce Wrighton –par Brigitte Ollier

Preview

Bruce Wrighton, mon cousin d’Amérique

Depuis que je l’ai vu cet automne à la galerie de Françoise Morin, L’Homme au chapeau rouge/Man with red hat ne m’a pas quitté : il est dans mon ombre. Il fut, un jour de 1987, en plein soleil, face à l’objectif de Bruce Wrighton (1950-1988). C’était au carnaval de Johnson City, à l’est de Binghamton (état de New York), où Wrighton vivait. Ils ont un peu parlé, et le jeune homme aux yeux tristes lui a confié qu’il partait bientôt à l’armée. Le photographe américain a noté combien sa chemise rose, ses cheveux roux et son chapeau rouge s’accordaient esthétiquement. La première fois, j’avais remarqué le personnage froissé, presque des pieds à la tête, et sa gravité proche de la déprime.

Plus tard, troublée par cet attachement à un inconnu, j’ai compris qu’il me rappelait un ami disparu. Son infortune. Son joyeux appétit pour la fatalité. Et cette façon qu’il avait d’être absent de son corps, comme s’il était un squatteur de sa propre identité.

À L’Homme au chapeau rouge qui leur filait trop le blues, mes amis ont préféré celui au gilet doré avec ses lunettes à la main, signe de coquetterie. Ou la grosse fille qui avait l’air d’avoir mis sa tunique à l’envers. Ou Fred et son grand pull blanc torsadé, comme en écho à ses joues mal rasées. Moi aussi, je les aime, je les ai tous rencontrés, la rue est mon royaume.

Bruce Wrighton avait du goût pour les gens d’en bas, ivrognes ou écorchés, excentriques et infidèles, ceux qui ne pourront jamais rentrer dans le moule et se retrouvent dehors, abandonnés : les désunis de l’Amérique des années Reagan.

Il n’était pas le genre à marcher sur les fleurs, et cela se devine à chaque photographie. Il avait du cœur, et le mien bat pour ce nouveau cousin d’Amérique. Depuis que Charlie Chaplin a créé Charlot, il n’est plus indécent d’être sentimental. Et j’en profite, naturellement.

Brigitte Ollier

Il est encore possible de voir certaines photographies de Bruce Wrighton aux Douches la Galerie, à Paris.

Et sur le site de Laurence Miller, qui prépare une exposition pour ce printemps, à New York.

Merci de vous connecter ou de créer un compte pour lire la suite et accéder aux autres photos.

Installer notre WebApp sur iPhone
Installer notre WebApp sur Android