Mon premier est un chasseur cueilleur d’histoires, mon second une tour de six étages et mon troisième un esprit nomade fascinant, associé à la puissance des images en noir et blanc. Mon tout est une exposition passionnante dédiée à Bruce Chatwin et hébergée dans la tour de l’évêque de Luni, à Castelnuovo Magra, en Ligurie.
L’exposition Bruce Chatwin… the journey continues nous offre un éclairage différent de l’écrivain en tant que photographe. Pour ce personnage éclectique en effet, nous explique le commissaire de l’exposition Maurizio Garofalo, « l’écriture et la photographie se complètent et s’exaltent au gré des recoupements incessants. Les images représentent pour lui une sorte de bloc-notes visuel et prennent de la substance dans ses carnets de voyage. Ses écrits sur les lieux, les gens et les cultures permettent alors à l’imagination des lecteurs de ‘voir’ ce que décrit l’auteur ». Bruce Chatwin est connu pour ses voyages et avec certaines de ses publications, comme In Patagonia (1977) par exemple. Il a frappé le monde littéraire de stupeur. Son travail de photographe est longtemps resté dans l’ombre. Certaines de ses collections de photographies – la plupart en couleur – ont été publiées après sa mort, dans des livres tels que Photographs and Notebooks (1993). L’exposition Luni est la première à traiter exclusivement de ses photographies noir et blanc, projet à l’initiative de Luciana Damiano, membre fondateur de Premio Chatwin et d’Associazione Chatwin, d’Ilaria Attuoni et d’Elizabeth, épouse de Bruce et présidente de la Chatwin Association. « Nous avons rendu visite à Elizabeth, nous explique Luciana Damiano, et elle nous a montré des séries de négatifs. Leur lecture n’était pas aisée, mais nous avons rapidement détecté leur potentiel. On nous a dit qu’ils n’avaient jamais été publiés et pour nous, c’était un défi à relever ».
La tour de Luni accueille ainsi quelque trente photos (1961-1985), dont des négatifs anciens et restaurés et de nombreux clichés inédits, comme ceux qu’il a pris avec sa femme dans le Yunnan. Ces derniers proviennent de l’université d’Oxford, qui a entrepris la tâche de conserver les archives conséquentes de l’artiste (plus de trois mille images accumulées au fil de ses voyages incessants). Si les photographies en couleur semblent viser la géométrie et les proportions idéales, la production en noir et blanc est influencée par ses études de l’esthétisme et de l’art tout autant que par sa nature de voyageur infatigable et de conteur. Ces images-là ont une connotation plus sociale et anthropologique. Sa connaissance de l’art a donné au photographe une faculté d’observation claire et précise. Il a réalisé ses photos avec un Leica CL 40 mm et un Rolleiflex, et travaillait avec une grande discrétion. Son épouse Elizabeth raconte qu’il « sortait brusquement son Leica, prenait la photo à toute vitesse, glissait l’appareil dans sa poche et s’éloignait ».
« Chatwin, dont les travaux ont remis les récits de voyages au goût du jour, a arpenté le globe en tous sens. Il nous a laissé en héritage le mystère envoûtant de ses histoires, teintées de son exigence pour le rationnel. C’est une composition époustouflante qui agrippe le lecteur et aujourd’hui encore, n’a rien perdu de son efficacité », ajoute Luciana Damiano.
Passons maintenant aux sept niveaux de la tour : en évoluant de l’un à l’autre, on traverse les continents au gré des voyages extraordinaires de Chatwin, de son premier en Égypte, à ceux qu’il a fait en Afghanistan, au Yunnan, en Afrique de l’Ouest et en Patagonie. En arrivant au sommet, on découvre son mythique sac à dos, inspiré d’une selle anglaise.
Paola Sammartano
Spécialiste de l’art et de la photographie, la journaliste Paola Sammartano vit à Milan, en Italie.
Bruce Chatwin…il viaggio continua
8 juillet – 8 octobre 2017
Torre del Castello dei Vescovi di Luni
Piazza Querciola
19033 Castelnuovo Magra (SP)
Italie
http://www.comune.castelnuovomagra.sp.it/ComAppuntamentiDettaglio.asp?Id=58562
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