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Brittany Markert, du désir à l’ennui, et retour

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La photographie fonctionne pour Brittany Markert comme un jeu de miroirs où ses émotions se donnent en partage. Ses montages photographiques révèlent les mécanismes à l’ouvrage dans son appréhension du monde, réel comme imaginaire. Pour elle, le premier n’est pas la réalité : tout est plus complexe. Et Brittany Markert apporte la preuve qu’une image n’est jamais simple : elle renvoie à un passif, des croyances et des exigences.

Brittany Markert puise ses sources dans la photographie de mode et celle de l’intime. Lina Scheynius d’abord puis – et surtout – Francesca Woodman. Elevée en Californie du Sud, la quittant pour le nord et le collège de Santa Clara, elle obtient une licence en mathématiques. Cette formation influe sur le travail de Brittany Markert, elle y trouve bien des similitudes : entre autres comment naviguer dans le chaos jusqu’à atteindre le parfait moment de la prise de vue, qu’elle ne pratique qu’en noir et blanc.

Souvent, sa chambre noire se situe à quelques mètres de son lit et c’est pour elle une manière de créer, dans cet univers confiné, une narration qui demande précision. En divers jeux de temps et de dédoublement, la nudité où elle se met le plus souvent en scène crée une « tension » particulière qui n’empêche en rien un humour et un détachement par rapport à des situations a priori dramatiques.

Brittany Markert travaille toujours dans un état d’euphorie. Pour l’atteindre précèdent parfois des mois de patience afin de concentrer cette énergie en des images inspirées par le théâtre, la littérature, les films et des souvenirs d’enfance et d’en France où elle vécut avec ses parents.

Peu à peu, ses livres de photographies deviennent des narrations aussi fictionnelles qu’intimes, présentés toujours de manière chronologique et accompagné de textes écrits à la main et provenant d’un journal intime. La Nouvelle Orléans offre un nouveau chapitre à sa vie. Elle y a découvert sa « muse » et trouve dans la ville une magie et un mystère qui lui permettent de réaliser ses plus belles photos. La femme qui y est scénarisée permet de garder en ligne de mire le paysage : mais par le montage elle semble en savoir beaucoup plus que nous sur ce qu’il induit.

Il est vrai que depuis son adolescence, la photographe porte un regard sans préjugés sur son corps et celui des autres. Par sa formation, ses voyages, par sa vie privée souvent douloureuse, et par sa passion pour son art, elle est curieuse, lucide, capable de scénariser ses affres, son mystère et quelques secrets. Sa vie peut intriguer. Et certains qui la jugeraient un peu trop vite pourraient émettre bien à tort l’injonction chrétienne : « Pardonne lui Seigneur elle ne sait pas ce qu’elle fait ».

Mais Brittany Markert n’en a cure et elle se moque des divergences épistémologiques sur la photographie, qui donnent lieu à des disputes voire à des intimidations. Elle sent confusément ou non la portée trouble que ses images portent. Chacune est une piqûre de rappel, un acte de dévotion au nom de celle qu’elle fut et celle qu’elle devient. Et qui marche sans savoir où mais avance pour détecter la nature et l’impact de la vie.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

Jean-Paul Gavard-Perret est un poète, critique et maître de conférences en communication à l´Université de Savoie, en France. 

http://inrooms.format.com/

 

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