Comme les bonnes, les bricoleurs et les gynécologues, les camionneurs tendent à exister à la périphérie de notre conscience, figures obscures se livrant à des tâches pénibles et lointaines. Pour dire la vérité, avant que Brian Finke ne m’en parle, je ne savais pas ce qu’était un routier.
Brian Finke: Vous savez, Lady Mary. Les hommes qui conduisent les gros semi-remorques sur l’autoroute ?
Lady Mary Crawley: Aimeriez-vous une tasse de thé, mon cher ?
Brian Finke: Vous devez en avoir croisés garés sur les aires de repos ? Dans les stations-service ?
Lady Mary Crawley: Il est temps que Winterbottom traite le pékinois contre les puces.
Cependant, en discutant avec Brian Finke, en regardant ses belles images et en l’écoutant raconter ses histoires de bravoure autoroutière dans des cafétérias trop éclairées et des toilettes répugnantes tout en parvenant à leur donner autant de souffle, j’avoue que j’ai commencé à me sentir curieusement fascinée. Ils sont tellement virils. Un hybride moderne de pirate, de voleur de grand chemin, de gitan, et d’idiot du village. Ils ont les mâchoires grisonnantes, des tricots de corps tâchés tendus sur des ventres gigantesques, et des lèvres épaisses tachetées de brun par le tabac. Ils ne respectent pas d’autres coutumes ou d’autres codes que les leurs. Indifférent à l’étiquette, ils enfournent des plats indéterminés dans leurs bouches aux dents gâtées comme les orangs-outangs de Bornéo, avant de s’en retourner expulser de formidables flatulences dans leurs petites cabines en écoutant des hommes d’âge mur en chapeaux de cowboy chanter des chansons affirmant leur fierté d’être impitoyables. Quand ils parlent, leurs voix évoquent les accents gutturaux de brutes de l’âge de bronze.
Lire le texte de Lady Mary Crawley en intégralité dans la version anglaise du Journal.