Le monument le plus imposant de Breda est la Grote Kerk. Construite dans le style gothique brabançon entre 1410 et 1547, c’est une structure exceptionnelle qui a été intégrée comme lieu d’exposition à BredaPhoto durant trois éditions. On se souvient ainsi de l’exposition Space to Breathe de Newsha Tavakolian lors de l’édition 2022.
Cette année, l’église a été attribuée à Rosangela Renno (1962). Elle a reçu le prix Women in Motion de Kering lors du dernier festival d’Arles. Elle rejoint ainsi la liste des grandes photographes telles que Susan Meiselas (2019), Sabine Weiss (2020), Liz Johnson Artur (2021) & Babette Mangolte (2022), et réalisa l’exposition » Sur les ruines de la photographie » à la Mécanique générale d’Arles. Seulement, au sens strict, elle n’est pas vraiment photographe.
Renno est fortement influencée par la pensée sémiologique de Roland Barthes, entre autres (La Chambre Claire en particulier). Elle élargit ici la notion de Barthes de « l’image photographique comme organisme vivant » à « l’histoire comme organisme vivant ». Elle se concentre principalement sur les images qu’elle s’approprie et qu’elle collecte dans les marchés aux puces et les archives. Son objectif en tant qu’artiste est de « dénoncer le système qui tente d’effacer ou de manipuler les liens avec le passé », ou simplement de les effacer lorsqu’il s’agit des femmes, de l’esclavage ou du colonialisme. Les archives sont le reflet du pouvoir et de la pensée dominante, ce sont des instruments d’oppression.
L’exposition Encounters / Encontros est l’entrevue entre l’artiste et le public, entre les Pays-Bas et son pays d’origine, le Brésil. Il s’agit d’une expérience globale entre l’espace du monument et une installation qui occupe toute l’église. La Résistance de Breda ou Las Lapidas (2024) est le décor global dans lequel Renno présente une série d’œuvres différentes. The Resistance/ Las Lapidas fait référence à l’histoire parallèle de Breda et de la région de Pernambouc au début du XVIIe siècle : lorsque Breda était alternativement gouvernée par l’Espagne et les Pays-Bas, Pernambouc alternativement par les colons portugais/espagnols et la Compagnie hollandaise des Indes occidentales. Elle modifie la perception sensorielle avec laquelle nous entrons dans l’espace, nous faisant percevoir les pierres tombales comme des images photographiques.
Elle ajoute Living Things (2024), une série d’images de piloris qui rappellent l’oppression de la population de couleur au Brésil, Mutadis Mutandis (2024) qui fait le lien avec la colonisation de la pensée et de la religion populaire, Colonial Crime Cabinet (2024) sur la façon dont l’image peut prendre différentes interprétations selon le spectateur et enfin Universal Archive (1992-…) avec des fragments de textes significatifs provenant d’archives et enfin le film Vera Cruz (2000) avec le témoignage de Pêro Vaz de Caminha rédigé lors de la conquête du Brésil par Pedro Álvares Cabral en 1500 – et comment ce récit traite de la « conquête » et non de la « destruction ».
La présence de Renno à ce festival marque une évolution importante dans la programmation de BredaPhoto – jusqu’à cette édition, des artistes conceptuels étaient parfois invités, mais cette initiative constitue une véritable déclaration de la part des organisateurs.
Un conseil : il est recommandé d’utiliser l’application en ligne lors de la visite.
Conclusion : Renno a réalisé une installation intelligente qui peut servir de levier au débat social.
De Grote Kerk, Kerkplein 2, Breda
Du mardi au dimanche : de 10h00 à 17h00
Pour cet endroit, vous avez besoin d’un ticket BredaPhoto.
Boutique, toilettes, billetterie
Cet endroit est accessible aux personnes en chaise roulante et se trouve dans une zone sans circulation.
John Devos
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