Ce sont des fragments d’histoires, des morceaux de silhouettes, des bandelettes d’horizons, un pot-pourri fleuri d’imaginaire et de réalité. Simples au premier abord, les photographies de l’Américaine Brea Souders, 34 printemps cette année, aiment la complexité, et pas seulement dans la forme. En quelque sorte, elles peuvent être vues comme la représentation de notre mémoire, ses flashes sensoriels, ses images venues de nulle part, ses absences aussi. Dans son travail le plus remarqué, Film Electric, l’artiste new-yorkaise utilise des feuilles de papier blanc, chargées d’électricité par l’acide acétique qui leur est appliqué. Avec harmonie, elle y dispose des coupures de négatifs : ils contiennent des tranches d’aventures oubliées, des portraits de ses proches et d’étrangers, des expériences inédites, des vacances en famille, ainsi que des tessons de formes méconnaissables et des espaces vides. Lorsque, par endroits, la force statique est élevée, ces tranches de vie se fixent à la fibre. Si elle est faible, elles basculent dans l’oubli. Ces créations sont ensuite photographiées au flash, ce qui provoque reflets et apparitions de nombreuses stries blanches. La lumière masque quelque peu certaines images tout en en éclairant d’autres.
Même association entre photographie et matériau dans Counterforms, série énigmatique où Brea Souders invite le spectateur à voyager avec elle à travers ses racines ancestrales. En France et surtout en Italie, où le soleil brûle la peau, la surface d’un miroir et le film photographique, illumine les fleurs du pissenlit, les insectes et une mystérieuse lentille circulaire, substitut d’un jour de l’astral. Ici, l’odyssée est onirique mais se veut rappeler aux générations expatriées d’Américains le besoin de cultiver leurs origines. Rien ne semble forcé dans ces images. Elle parle un langage poignant, beau et sophistiqué, à travers des images tout à fait originales et personnelles. Il semblerait que Brea Souders ait créé son propre monde à travers la photographie — la marque des grands faiseurs d’images. Engageantes, ses œuvres peuvent pourtant être interprétées de diverses façons. Il faut être sensible à son utilisation des couleurs, parfois troublantes et indéfinies, ce qui déclenche une certaine mélancolie. Par les émotions, Brea Souders crée également l’impression d’identifier un son agréable, une odeur familière, une vision du passé, pas forcément ancrés dans notre catalogue de souvenirs.
EXPOSITION
Brea Souders
Jusqu’au 1er août 2014
Bruce Silverstein
535 W 24th St #1,
New York, NY 10011
USA
(212) 627-3930