Les jeunes oublient tout… perdent la mémoire… un tel livre n’existe pas. A force de se remémorer le passé en permanence, on finit par se donner à soi-même une sorte de permission.
Je me demande s’il est possible de « retourner » dans le passé et de créer dans ce passé quelque chose qui y soit adapté. Ceci, bien sûr, pourrait être une fiction…, Mais essayez de retourner à la racine même du concept de danger et à la permissivité de cette époque si intéressante. Le temps s’écoule et la mémoire pure subsiste. Afin de déterminer ce niveau de permissivité, je suppose.
Les jeunes oublient tout… perdent la mémoire… un tel livre n’existe pas.
Essayer de ranimer le passé en recréant les images faites alors. Une tentative de ranimer ce passé de manière à la fois formelle et secrète.
Il est intéressant de retrouver des instants, de trouver quelque chose de nouveau dans le passé. Et cette nouveauté doit être mise sur le même plan que le reste, au même titre que les vieilles normes soviétiques. C’est intéressant d’essayer de faire un portrait collectif. Cela fonctionne comme un essai, comme une tentative de transmission à cette communauté.
Qui aurait voulu davantage ? Montrer, transmettre une anxiété (la crainte). Faire une histoire photographique de la vie.
Les sentiments qui sont nés en moi à cette époque, je les ai connu toute ma vie… pour moi dans ce passé, et ils sont répugnants pour moi maintenant… mais j’y ai survécu…
Les sentiments qui sont nés en moi à cette époque, je les ai connu toute ma vie… Ils étaient intéressants pour moi dans ce passé, et ils sont répugnants pour moi maintenant… mais j’y ai survécu…
Où est-ce que je veux en venir ? A un regret, celui des grandes photos qui n’ont pas été faites à cette époque.
Je n’ai pas essayé de photographier un « événement », j’ai essayé de montrer une « sensation »… une ATMOSPHERE
Est-il possible aujourd’hui de faire des photos du passé ? Dans un film cela est possible, dans la peinture peut être… On peut faire un livre, faire des photos mises en scène… Mais quand vous touchez à la vérité, tout commence à trembler.Nous ne savons pas où commence la vérité, et où elle s’arrête… Mais c’est un mot étrange, la vérité.
Il y a un sentiment de ce passé dans ce tremblement aujourd’hui
Mais la question demeure: le photographe doit-il, peut-il photographier le passé ?
Aujourd’hui il semble qu’IL le POURRAIT… et cela parce que la photographie elle aussi tremble et la vérité elle même est remplacée par le traitement informatique. Et le tremblement devient un des principes esthétiques de la photo.
« Drapeau sur le Reichstag »… Cette photo a été prise quelques jours après l’événement … et elle semble vraie! Et même si elle avait été prise une semaine plus tard, elle aurait aussi été vraie… Quelle est la distance temporelle qui sépare l’événement du moment où il n’est plus vrai ?
Pour moi, cette série a commencé à fonctionner quand les photographies prises dans un passé artificiel ont été combinées avec les photographies réelles prises aujourd’hui et prises il y a longtemps. Il me semble qu’ainsi j’ai pu réduire cette distance temporelle.
Une autre raison de ranimer le passé est de le comparer au présent. Cette série est une tentative de comparer la vie ancienne avec la vie présente. En comparant cette vie ancienne avec l’actuelle, il arrive de s’apercevoir que le pire est lié à la vie d’aujourd’hui. Maintenant, faire l’expérience du pire peut être comparée.
En mêlant un passé fictionnel, un passé réel et le présent, il est possible d’obtenir finalement un sentiment de cette époque, et de le relier au présent.
Une réalité substituée et une fiction de la réalité, impliquées dans des temps différents, telle est la déclaration que je pourrais me permettre de faire aujourd’hui, et Maman en est la raison.
Boris Mikhaïlov, 2013
(Traduction : Jeanne Bouniort)
*Remerciement : Ilya Andreevich Khrzhanovsky
Boris Mikhaïlov
FotoZeit Salzau, 1996
Soviet Collective Portrait, 2011
When My Mama Was Young, 2012–2013
09 février – 09 mars 2018
SUZANNE TARASIEVE PARIS
7, rue Pastourelle F-75003 Paris