Le goût de la photographie est une exposition originale : vous n’y trouverez pas le travail d’un seul artiste ou d’un collectif de photographes, mais les photographies d’un collectionneur d’art, Jérôme Prochiantz. Celui qui préfère se définir comme un collector plutôt qu’un collectionneur (le terme renvoyant à l’accumulation, un côté matérialiste dans lequel il ne se retrouve pas) a légué une grande part de sa collection photographique à la BnF.
Sur ce point, l’exposition s’inscrit dans un mouvement plus large d’expositions consacrées au geste de collectionner. Plusieurs expositions ont été consacrées à la collection photographique de Sir Elton John, à la Tate Modern ou plus récemment au Victoria Albert Museum avec « Fragile Beauty ». De manière plus générale, les collections privées ne demeurent plus seulement dans la sphère intime, mais sont révélées au public, quand elles ne sont pas directement versées à une institution publique.
Ainsi, la galerie des donateurs de la Bibliothèque nationale de France a l’habitude d’exposer les œuvres léguées à la plus grande bibliothèque publique française. Ainsi, grâce au don de Jérôme Prochiantz, l’institution nationale s’enrichit de plus de 350 photos dont un tirage couleur de Mario Giacomelli, inédit pour le fonds de la BnF, qui ne possédait jusque-là que des tirages en noir et blanc de cet artiste italien. « Ma collection forme un tout : je voulais que l’ensemble des œuvres intègrent une institution national. »
Les goûts photographiques de Jérôme Prochiantz
Le portrait en noir et blanc de Jérôme Prochiantz, bandeau sur le visage et tulipe à la main, photographié par Laurent Élie Badessi accueille le visiteur dès son entrée. Des murs peints en jaune, aux fauteuils installés au centre et à la disposition des photographies : tout dans cette pièce est fait pour reproduire le bureau de Jérôme Prochiantz. La collection est hétéroclite tant du point de vue des artistes, des époques et du format des photos. On retrouve par exemple un portrait de David Lynch par Richard Dumas à côté d’un diptyque d’un couple de danseurs de Luis Gonzalez Palma. Le noir et blanc domine cette sélection à l’image du portrait d’un chat bayant aux corneilles, immortalisé par Masahisa Fukase choisi pour l’affiche de l’exposition.
Comment devient-on collectionneur
Avant de se lancer dans la collection de photographies, Jérôme Prochiantz achetait une fois par an une œuvre d’art contemporain. Il se souvient parfaitement de sa première photo achetée dans une galerie. C’était en 1989. Un nu masculin, au corps mutilé. Un tirage de George Dureau, artiste installé à la Nouvelle-Orléans. Ce premier achat coup de cœur marque le début de sa collection, orientée uniquement par le goût esthétique pour la photographie. « Beaucoup de gens voient dans ma collection, ma passion pour New York, les chats et la sensualité. Il est vrai que ce sont des sujets que j’aime, mais ça ne suffit pas, il faut qu’il y ait quelque chose en plus qui provoque un coup de cœur ». Au fil des acquisitions, sa collection n’a cessé de grandir, jusqu’à faire dialoguer des œuvres que rien ne prédestinait à se faire rencontrer. Bien qu’hétéroclite, il a cherché à se concentrer sur trois continents : l’Amérique, l’Europe et le Japon de 1850 à nos jours. Quand on lui demande si ses goûts artistiques ont changé, Jérome Prochiantz répond qu’ils sont restés plutôt constants à travers le temps.
Bien qu’hétéroclite, il a cherché à se concentrer sur trois continents : l’Amérique, l’Europe et le Japon de 1850 à nos jours.
Depuis qu’il est à la retraite, il consacre la majeure partie de son temps à sa collection. Lecture de livres photos (il en a plus de 600), recherches et présence lors des ventes aux enchères sont chronophages, mais nécessaires pour le collectionneur : « J’ai toujours besoin de voir une œuvre en vrai avant de l’acheter ». Regarder un tirage original est important pour ce passionné qui organise deux fois par an des expositions photographiques à thème dans son appartement.
Par sa richesse et sa diversité, la collection de Jérôme Prochiantz, initialement une collection personnelle, devient une collection muséale. Et quelle plus belle postérité pour un artiste que de voir son travail reconnu par les institutions nationales ?
Le goût de la photographie : dans la collection de Jérôme Prochiantz
Exposition passée, du 22 octobre 2024 au 12 janvier 2025
Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand
Plus d’informations en ligne