Fondation arabe pour l’image, mémoire photographique du Moyen-Orient
En mai la Fondation Arabe pour l’Image (FAI) était lauréate du prix Unesco-Sharjah qui récompense chaque année des acteurs ayant œuvré à la diffusion d’une meilleure connaissance de l’art et de la culture arabes. Un signe de reconnaissance pour cette fondation créée en 1997 qui travaille à la collection et à la conservation du patrimoine photographique du Moyen-Orient.
A l’origine de ce projet, trois artistes photographes, Akram Zaatari, vidéaste, Fouad Elkhoury, photographe, Samuel Mohdad, photo-reporter et une directrice Zeina Arida. Très vite l’équipe s’élargit à d’autres membres invités par les fondateurs : « L’idée c’était de s’intéresser aux pratiques photographiques locales ayant émergées dans la région. Il y avait peu d’archives photographiques. Nous étions dans un contexte d’après guerre et de reconstruction au Liban », raconte Reem Akl, directrice adjointe de la Fondation. Ces artistes se questionnent sur l’identité, l’histoire, le passé.
Fouiller dans les images et les ouvrages de la fondation installée au cœur de Beyrouth dans le quartier de Gemmayzé, c’est parcourir une page d’histoire et remonter jusque dans les années 1860. L’histoire de ces photographes professionnels de studio ou qui ont exploré la région pendant des années, celles des photographes amateurs, de ces familles qui ont amassé des documents essentiels à la construction d’une mémoire collective. Liban, Syrie, Palestine, Jordanie, Egypte, Irak, Iran, Turquie… 600 000 images ont été recensées au fil des années. Les missions de recherche étaient faites suivant les intérêts et pratiques de chacun « ce qui donne une collection éclectique, organique », précise Reem Akl. La Fondation Arabe pour l’Image devient peu à peu un acteur unique dans la région avec plusieurs facettes : expert en préservation photographique, mais aussi activités artistiques et de recherches. Avec un objectif : collectionner, préserver et interpréter la culture photographique du Moyen-Orient et du Maghreb.
La Fondation Arabe pour l’Image n’achète pas les collections. A l’origine, ses membres voyagent, prennent le temps de rencontrer les photographes, les collectionneurs, les familles, de connaître leurs histoires, certaines collections sont apportées directement à la FAI. De l’instantané anonyme de la vie en Palestine des années 20 aux années 40, aux portraits expérimentaux réalisés par des photographes de studio, ces images donnent une vision de la région et des pratiques photographiques au fil du temps. Comme celle de Hashem al Madani à Saida. Photographe professionnel, dès la fin des années 50, il se balade dans les rues de sa ville natale à la rencontre des artisans et commerçants ou immortalise les anonymes dans son studio. La collection qu’il a confiée à la fondation représente près de 150 000 images. Le plus souvent des négatifs, car les originaux étaient donnés aux clients. Quelles sont les motivations qui poussent ces photographes à faire don de leur collection ? « Ils cherchent souvent un endroit pour que la collection survive et qu’elle soit accessible », raconte Reem Akl. La dernière collection en date est celle d’un architecte irakien, Rifaat Chadirji. Il a confié à la FAI près de 100 000 images, dont une partie de la collection de son père, Kamil Chadirji, photographe ayant documenté la vie en Iraq dans les années 1920-60. Elles sont un témoignage de son travail qui mêle techniques modernes et architecture locale mais aussi des témoignages anthropologiques et ethnographiques (scènes de vie à Bagdad et en Irak, rituels religieux, arts et métiers).
Pour mener cette tâche, l’un des défis de la FAI est de trouver des financements, en l’absence de subventions publiques. D’où l’importance d’un prix comme celui de l’Unesco qui s’accompagne de 30 000 dollars. Les sources de financement sont diversifiées ; bourses, grands prix fonds européens ou américains, donations locales privées ou sponsoring. « Il y a toujours du travail de recherche de fonds », précise Reem Akl. « La plupart de ces financements sont rattachés à des projets particuliers. Il faut donc trouver d’autres sources pour financer les coûts fixes, les salaires ». La priorité pour les prochaines années est d’arriver à diversifier les sources de financement et à intéresser les financeurs locaux et régionaux, « car il est important pour nous d’atteindre un public régional ».
La fondation prend également part à des partenariats avec plusieurs institutions comme le Metropolitan Museum de New-York, l’université du Delaware, et le Getty Conservation Institute. Ensemble ils ont lancé la Middle East Photograph Preservation Initiative (MEPPI). Leur objectif est de former les institutions détenant des collections photographiques importantes dans les pays arabes, en Turquie et en Iran. D’autre part à travers MEPPI plus de 300 collections photographiques régionales ont été recensée et seront centralisées afin de développer une plateforme en ligne pour lister, ces collections et les rendre accessibles aux chercheurs.
Aujourd’hui, de jeunes photographes ou historiens ont rejoint la fondation. Zeina Arida, directrice de l’établissement depuis sa création est partie récemment pour de nouvelles aventures, elle est remplacée par Rima Mokaiesh. Les voyages à travers la région se sont peu à peu espacés. Le travail de la FAI est moins d’alimenter les collections que de les préserver et les faire connaître. Pour ceux qui ne pourraient se déplacer jusqu’au Liban pour découvrir ces trésors cachés du Moyen-Orient, un important travail de numérisation a été réalisé pour les rendre accessible sur son site internet.