Totems d’amour
Quai du Louvre, à Paris, au pied du Pont neuf, les platanes qui bordent la Seine sont sur quelques centaines de mètres tous atteints de la même maladie d’amour : sur leurs écorces parchemins des générations d’amoureux du monde entier ont gravé leurs noms ou leurs initiales autour d’un cœur. La croissance de l’arbre, la prolifération des mousses et les ravages du temps ont déformé ces signes devenus pour la plupart illisibles. Les troncs scarifiés sont devenus des rouleaux de grimoires anciens, des totems chargés des signes d’appartenance et de reconnaissance propres au clan des amants de l’amour. De l’humain au végétal, ça circule, ça s’hybride comme dit l’anthropologue Philippe Descola, et les arbres du quai du Louvre chargés de mémoire mourront tout comme les vieux amants.
Bernard Chevalier