Les bois dormants
Mais d’où viennent ces bois flottés qui hantent nos rivages ? De quels arbres de plaines, de forêts, de montagnes ? Et, une fois arrachés à leurs sols et emportés par les eaux là jusqu’à la mer, combien de temps ont-ils flotté ? Combien de miles ont- ils parcouru avant d’échouer sur cette plage de Camargue ? Couchés ou dressés face à la mer, ils reposent désormais comme des vigies oubliés, dispersés sur la grève. A demi enfouis dans le sable, réduits à leur pure essence de bois morts polis et blanchis par la vague et le sel, ces bois dormants forment pour moi un fabuleux ossuaire végétal et sauvage en voie de minéralisation. Peut-être seront-ils les témoins fossilisés de la sixième disparition du vivant en cours sur notre planète ? En attendant, ils calligraphient sur le sable d’indéchiffrables hiéroglyphes. C’est cette écriture hiératique , ces haïkus de sable et d’écorce, que j’ai voulu saisir en réveillant ces bois dormants par l’image.
Bernard Chevalier
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