Le développement économique, dans tous les pays, s’accompagne d’une homogénéisation globale. Une manière de vivre unique peut maintenant être reconnue dans des cultures différentes. Par exemple, faire ses courses dans un centre commercial à Dubaï, aux États-Unis, en Europe, et en Chine, peut se révéler être la même opération familière offrant des expériences dans l’espace similaires. Des vitrines brillantes présentent des produits attirants sous des lumières immaculées, prêts à être emportés par le prochain client. Les métros, accueillent, quels que soient les pays, une culture souterraine où l’on retrouve les mêmes travailleurs, musiciens, mendiants, et autres solliciteurs. Plus encore, les grandes enseignes de fast-foods comme KFC’s, Starbucks et McDonald’s, garantissent la même expérience quel que soit l’endroit où on se trouve. Mais qu’arrive-t-il alors aux traditions qui aident à définir la singularité de chaque culture ?
Li Hu se penche sur un aspect de la tradition chinoise spécifique au Guanzhong, dans la province de Shaanxi, en photographiant le Shehuo, une cérémonie célébrée depuis la dynastie Zhuo (1045-256 av. J.C.) et qui a survécu jusqu’à aujourd’hui. « She » est le Dieu de la Terre et « Huo » est le feu qui purifie du mal. Shehuo, la fête locale, est une célébration longue de quinze jours qui met en scène des esprits divins qui représentent différents personnages dans de nombreuses récits historiques. Les villageois se rassemblent pour prier ces dieux. Ils offrent des sacrifices pour obtenir la fin de leurs problèmes et un futur prospère.
Comment a été créé Backwards – Backwards et pourquoi ?
Je suis allé dans le Shaanxi pour une conférence sur la photographie et j’ai entendu parler de la tradition du Shehuo, une cérémonie du jour de l’an célébrée depuis plus de 2000 ans. C’est une fête traditionnelle circonscrite exclusivement à la région de Longxian au cœur de la province du Shaanxi.
Des jeunes de la région sont choisis pour s’habiller comme les esprits divins, chacun ayant un nom et un trait de caractère spécifiques. La fête commence par une réunion au temple local où on joue de la musique. Après cela, les esprits visitent les maisons des habitants pour continuer la cérémonie du feu.
Parce que les artistes sont connus des gens de la région et doivent assurer une représentation de qualité, il est très important pour eux de s’assurer que leur maquillage et leurs costumes sont parfaits. Le maquillage est difficile à appliquer. Les anciens professionnels ont la technique pour le faire correctement, et ils l’apprennent à la nouvelle génération. Cependant, la panoplie de talents requis pour cet exercice n’est plus la même pour les jeunes. Il y a un homme, d’environ 60 ans, qui est le seul maquilleur traditionnel qui reste dans son village. Les costumes sont aussi difficiles à fabriquer et à remplacer, parce que leur confection est trop élaborée. La tradition change et disparaît avec le temps.
Je me suis concentré spécifiquement sur le travail des artistes qui donnaient forme humaine à ces esprits divins. Je voulais tous les détails des costumes, c’est pourquoi j’ai pris chacun de face et de dos. Et il m’a fallu deux voyages jusqu’à ce village pour faire cette série.
Pourquoi avez-vous appelé ce projet Backwards –Backwards?
Le propos de cette série était d’abord de rendre compte de cette tradition, et ensuite de la mettre en perspective par rapport à la mode. De nos jours, les Chinois cherchent la confection de qualité à l’ouest parce qu’ils considèrent que c’est là qu’elle se trouve. Cependant, si vous regardez en arrière, vers ce qu’était l’art du vêtement en Chine, intimement lié à ses valeurs et à ses traditions, la qualité est remarquable et originale. Même si les gens vont de l’avant, je veux qu’ils fassent cet effort de regarder en arrière pour que nos traditions soient appréciées et célébrées et pas perdues dans le passé.
Cette interview a été conduite et réalisée par CYJO
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