Le Museu d’Art Contemporani de Barcelona, MACBA, oeuvre de l’architecte américain Richard Meier, ouvre ses portes au public le 28 novembre 1995.
Les fondations de la collection du MACBA remonte toutefois à 1987, année où la Fondation du MACBA voit le jour sous l’impulsion de l’entrepreneur Leopoldo Rodés qui introduit ainsi le soutien privé dans la construction du projet. Puis en 1988 le Consortium du MACBA se constitue, réunissant le gouvernement de la Catalogne (Generalitat de Catalunya), la ville (La mairie de Barcelone) et la fondation privée. En 1997, le Consortium du MACBA reçoit les collections d’art contemporain de la Generalitat de Catalunya (gouvernement de Catalogne) et de l’Ajuntament de Barcelona (mairie de Barcelone). En 2007, le Consortium du MACBA est rejoint par le Ministère de la Culture et en 2008 le Council Board définit de nouveaux statuts pour l’organisation de la structure. Les trois administrations publiques présentes dans le Consortium procureront les fonds nécessaires au fonctionnement du musée tandis que la Fondation sera responsable de réunir les capitaux nécessaires au développement de la collection permanente.
La collection permanente du MACBA compte actuellement plus de 5000 oeuvres parmi lesquelles 759 photographies, 356 issues des acquisitions de la Fondation du MACBA, 403 en provenance des fonds publics, des donations et des dépôts.
Pour la conservation des oeuvres, le MACBA développe différents programmes de formation en conservation et restauration qui s’appuient sur de nombreux partenariats nationaux et internationaux.
En 2012, environ 300 oeuvres du MACBA ont quitté les salles de conservation pour participer à des expositions, sur le territoire national et international.
Le MACBA est dirigé par Bartomeu Marí Ribas. Antónia María Perelló est la conservatrice de la collection permanente. Elle ouvre aujourd’hui les coulisses de la collection photographique avec son portfolio des œuvres les plus représentatives et son hommage à un grand nom de l’histoire de la photographie : Xavier Miserachs (Barcelona, 1937 – 1998) avec 5 œuvres du photographe que je cite ci-dessous :
« …el fotógrafo no tiene una clase social concreta que lo acoja. No es ni un obrero ni un empresario, ni un finolis ni un granuja, pero es capaz de desempeñar cualquiera de estos papeles y muchos mas. Para mi, el fotógrafo practica siempre el transfuguismo social. » Xavier Miserachs.
« …Le photographe n’appartient à aucune classe sociale en particulier. Il n’est ni ouvrier ni entrepreneur, ni snob ni fripouille, mais il est capable de tenir n’importe lequel de tous ces rôles et bien plus encore. Pour moi la discipline du photographe c’est la dissidence sociale. » Xavier Miserachs.
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En mars 2013, Le Journal de la Photographie publiait un article sur la dernière exposition photographique du Conservateur en Chef, Carles Guerra, La casa Fantasmal, de Ahlam Shibli.
Particulièrement frappée par la qualité de cette ample exposition réunissant 280 clichés de la photographe palestinienne, c’est à Carles Guerra, au MACBA depuis 2011, que j’adressai naturellement une demande d’entretien pour cette semaine de la photographie espagnole.
En préambule, il me convie à prendre un peu d’eau, va chercher un bloc et un stylo, s’assoit et me demande de commenter la semaine. Il prend des notes, ça me surprend.
A l’issue de mon exposé, il m’explique ce qu’est la photographie et comment il la travaille. La photographie est constituée d’une image et d’un contexte. Sa description, qu’on appelle « légende » en français, « pie de foto » en espagnol, « caption » en anglais. Pour Carles Guerra, une photographie fait corps avec son contexte, son « pie de foto » littéralement son « pied de photo ».
Précis, Carles situe cette « amputation » dans l’histoire de l’art et rappelle les photographies de Walker Evans sur la Grande Dépression américaine de 1936 pour le « Farm Security Administration », un travail que le photographe réalise en complicité avec l’écrivain James Agee et fera naître le légendaire ouvrage « Let Us Now Praise Famous Men » en 1941.
Toutefois, en 1971, la rétrospective du MoMa omet délibérément la complicité « organique » de Walker Evans et de l’écrivain James Agee sur les photographies de la Grande Dépression et isole donc les images de leur « contexte ».
C’est dans ce « contexte » que réside la relation de la contemporanéité. Le contemporain n’est pas situé en temps mais dans son « action » ou « relation » avec l’oeuvre. C’est aussi ce qui définit la ligne directrice de la collection du MACBA. Des oeuvres qui suggèrent la contemporanéité indépendamment de leur date.
Par ailleurs, la photographie est un moyen privilégié pour mettre en relativité différentes pratiques artistiques. « 1979, un monuments aux instants radicaux » que Carles Guerra réalise pendant sa direction de la Virreina Centre de la Imatge de 2009 à 2011, en a été une démonstration. Je le cite dans « la parole donnée à Carles Guerra » par le magazine du Le Jeu de Paume en septembre 2011 :
« Certes, 1979, un monument aux instants radicaux naît d’une constellation qui peut donner d’emblée une impression chaotique et dispersée, mais peu à peu elle donne lieu à la construction d’une Gestalt. J’aime faire la comparaison avec ces jeux pour enfants où il faut relier des points pour faire un dessin. Il y a à la fois rien et quelque chose. Voilà la méthodologie que je me suis imposée. Nous avons la diversité des événements, les différentes catégories, et ensuite le livre. »
Carles Guerra définit le musée comme un mur blanc. Son rôle est de créer une mosaïque moléculaire sur le mur qui dans le ricochet ou l’interception crée une dialectique et suggère un message, une émotion au public. C’est cette force « organique » de la matière exposée que j’ai en effet trouvée dans La Casa Fantasmal d’Ahlam Shibli.
Il m’avait annoncé une heure de disponibilité, je me rends compte que le temps a beaucoup coulé, lui rappelle le délai imparti et reprends alors quelques questions sur les perspectives de la photographie au MACBA…
Un silence, un sourire… Avec 30% de réduction sur les budgets, des frais de gestion qui ne diminuent pas, priorité est donnée au maintien de la structure et donc des gens. Au détriment d’un programme d’expositions temporaires plus vaste, la dernière exposition temporaire était celle de la « Casa Fantasmal » du 25 janvier 2013 au 28 avril 2013; la prochaine démarrera en janvier 2014 : SOUS NOS YEUX! (JUST DAVANT NOSTRE) d’Abdellah Karroum (Rif 1970), éditeur, historien d’art et commissaire d’exposition.
Le repli est donc la réflexion, la fabrication de sujets factuels en utilisant la collection permanente du musée, permettant l’organisation de débats publics et le maintien d’un dialogue participatif avec la contemporanéité.
Il me quitte, pour rejoindre une conférence où il est attendu.
Lola Fabry