Rosa Ferré, directrice des expositions du CCCB depuis septembre 2012.
Un peu d’histoire pour commencer : qu’est-ce que c’était la Casa de la Caritat (Maison de la Charité) avant de devenir le CCCB en 1994, année de son inauguration en tant que premier centre européen dédié à l’étude des villes conçues comme un phénomène universel ?
Depuis le début du XIX et jusqu’en 1957, la Casa de la Caritat a été un centre de bienfaisance, un hospice. Les hôtes travaillaient dans des ateliers qui dispensaient des vêtements et de l’alimentation aux personnes en demande d’asile et elle fonctionnait aussi comme un centre de formation professionnel spécialisé. Les garçons entraient comme apprentis et pouvaient à leur sortie du centre chercher une place de commis. Parmi les ateliers les plus importants et les plus rentables était celui de l’imprimerie. La Casa avait un théâtre que nous avons finalement récupéré à l’issue de tout un processus de restauration et qui est en fonctionnement depuis 2011 comme espace scénique au sein de la programmation du CCCB.
Il est indiqué que la fonction particulière du CCCB est celle d’analyser et représenter le développement culturel, urbain et historique de centres urbains tels que celui de Barcelone. Comment se matérialise cette fonction dans la programmation du Centre ?
La programmation du CCCB se concrétise par les expositions, débats, programmations audiovisuelles, musicales et scéniques ; aussi par son laboratoire CCCBlab et aussi par d’autres formats d’expérimentations directes ou enregistrées. Elle se développe dans le cadre de quelques lignes directives que nous pourrions synthétiser en ville et biens communaux. Le CCCB mise clairement sur la culture comme principal moteur de changement et de transformation sociale, comme besoin inconditionnel pour le développement individuel et la cohésion des communautés. C’est dans ce contexte que nous concevons la ville. Comme un laboratoire de création et de réflexion, un espace physique et conceptuel des relations et de la confrontation qui concentrent les principaux défis de la société contemporaine. Le CCCB met la priorité et l’urgence sur le débat des cosmopolitiques et la responsabilité des institutions culturelles dans la relation aux biens communaux. Nous mettons particulièrement l’accent sur les nouveaux « commons » qui apparaissent grâce aux technologies digitales, les nouveaux modèles de création et de communication. Au Centre, nous travaillons sur la reconnaissance ou le repérage de ces nouveaux « commons » pour les expérimenter d’une manière coopérative et décentralisée, pour simplifier, nous voulons avancer vers un espace de « troisième culture » dans lequel puisse cohabiter et échanger la création artistique, la recherche scientifique, la culture digitale et la communication.
2012 a été une année spéciale pour le photojournalisme au CCCB avec « Mes Fotoperiodisme », première représentation de Visa pour l’Image à Barcelone du 1er mars au 3 juin 2012 et avec Samuel Aranda du 29 novembre 2012 au 6 janvier 2013. Chaque année d’ailleurs le World Press Photo est représenté au CCCB du 22 novembre au 23 décembre. Parlez-nous de la relation du CCCB avec le photojournalisme depuis sa création ?
Avec des noms comme celui de Gervasio Sanchez ou justement Samuel Aranda, le photojournalisme a toujours supposé pour le CCCB une occasion d’aborder et de mettre en débat participatif des conflits ou des thèmes d’intérêt commun sans renoncement de relance. Aussi une réflexion sur le photojournalisme lui-même. Son éthique dans l’exercice du journalisme, l’édulcoration esthétique du conflit, la question de comment on aborde l’actualité, ont été le sujet de plusieurs de nos projets. Notre intérêt fidèle au World Press Photo année après année et l’initiative récente de « Més Fotoperiodisme » incarne notre engagement aux côtés du photojournalisme. Cette année d’ailleurs « Més Fotoperiodisme » se convertit en un projet municipal et s’étend au-delà de l’image liée aux médias pour explorer le terrain plus vaste de l’image documentaire.
Quoi d’autre en photographie au CCCB en 2012 – 2013 ?
L’année dernière nous avons présenté « Souvenir » de Martin Parr, une exposition dans laquelle nous avons réuni ses photographies et d’autres « documents » parce que nous souhaitions développer avec lui l’idée du collectionnisme.
Le CCCB travaille beaucoup plus les expositions thématiques que monographiques. Ainsi la photographie est un médium présent dans la plupart de nos expositions et avec une grande diversité. Nous avons récemment présenté « Paral-lel », une exposition sur le quartier dBarcelonais. Cela a été l’occasion d’une récupération inédite d’un patrimoine photographique sur ce quartier de Barcelone, notre « West end » à nous. Pasolini Roma, l’exposition que nous ouvrons le 22 mai et qui sera au programme jusqu’à la mi-septembre rassemble un grand et précieux matériel iconographique avec des œuvres de Dino Pedriali, Tazio Secciaroli ou Mario Dondero.
Quelles sont les perspectives de la photographie en 2014-2015 au CCCB ?
Nous continuons notre vocation de contribution à la récupération du patrimoine photographique national. En association avec la Fondation Telefonica nous allons d’ailleurs bientôt annoncer l’œuvre d’un photographe catalan peu connu dont les archives viennent d’être récupérées. Ce sera une grande surpise !
Quelles sont les administrations qui participent au financement du CCCB ?
La Diputación de Barcelona (l’assemblée législative régionale) et el Ayuntamiento de Barcelona (La mairie de Barcelone)
Quels sont les effets de la crise dans le fonctionnement et les perspectives du CCCB ? (Réduction d’effectifs, de programmation etc)
Nous travaillons en coproduction avec différentes institutions nationales et internationales, des entreprises privées sponsorisent aussi certains de nos programmes et expositions, et d’autres collaborateurs encore participent au maintien de notre programmation. Pour certains projets spécifiques nous avons obtenus des aides de la Communauté Européenne ou des Instituts des pays voisins ou éloignés. 30% de notre programmation existent grâce aux collaborations externes que nous sommes capables de construire.
Parmi les entreprises mécènes cette année, nous avons pour le moment Gas Natural Fenosa, Fundació Banc de Sabadell et Moritz. Nos partenaires médias sont El País, El Periódico, ARA, Time OUT, TVE, Catalunya Radio et pour certains projets: Yorokobu et Jotdown.
En dépit de la crise, nous travaillons pour maintenir une programmation riche et variée. Les coupes budgétaires ont été considérables comme dans tous les musées publics de notre pays, nous avons atteint le seuil des retranchements mais les équipes n’ont pas été affectées.
Le CCCB et ses activités, c’est le lieu idéal des parents et des enfants, terminons sur le public du CCCB : générations, cosmopolitisme, estimations, tout ce qui puissent nous permettre d’apprécier l’écho de la programmation sur la ville de Barcelone.
Notre public est local à plus de 70%, un fait important sur une ville excessivement touristique. La clé de voûte c’est que nous programmons pour la ville et avec la ville, c’est à dire en collaboration avec différents agents et différentes communautés de la ville. Nous avons une politique associative vis à vis de différents groupes avec lesquels nous travaillons et cela nous procure un ancrage solide. C’est comme ça qu’à commencer le Sonar.
Par ailleurs, nous avons toujours eu une ligne de programmation d’ambition internationale.
Propos recueillis par Lola Fabry
CCCB – Centre de Cultura Contemporània de Barcelona
Montalegre, 5
08001 Barcelona
Espagne