Comme une évidence, les jeunes photographes et amis de Hors Format se sont rassemblés en collectif dès la sortie de leur formation en photojournalisme en 2020. Désormais dispersés aux quatre coins de la France voire du monde, quatre des sept membres transmettent une envie inchangée de partager, de créer, de se retrouver et de partager le même nom de famille.
Quel est le point de départ du collectif ?
Camille Nivollet : On s’est rencontré pendant la formation photojournalisme de l’EMI-CFD. En mai 2020, à la fin de la formation, on s’est regroupé en collectif de six photographes. C’était une évidence. Ça aurait été presque plus étrange de ne pas le faire !
Paul Lemaire : On avait tous plus ou moins touché la photo et on avait vu que c’était un travail très solitaire. Comme on s’est tous hyper bien entendu pendant la formation, c’était plus pour qu’on continuer à être ensemble, prolonger l’idée de groupe.
Camille Nivollet : J’ai eu la sensation qu’on a été soutenu par nos deux formateurs : Julien Daniel et Guillaume Herbaut, qui nous ont conseillé quand on avait des questions et qui nous avaient mis une alerte en nous disant : “attention : les collectifs ça se crée et ça s’arrête aussi”. On a commencé comme ça. Victorine nous a rejoint en juin et Léo en décembre.
Paul Lemaire : Au début, on ne se comparait à personne, on voulait juste être ensemble, sans avoir de représentation extérieure de ce que pouvait être un collectif. Quand Léo est arrivé, il nous a apporté ça.
Léo Keler : Mon père est Alain Keler, de l’agence Myop. En allant aux événements en tant que bénévole, j’ai beaucoup appris ce qu’était un collectif : porter son travail mais en le mettant en regard d’autres photographes. J’ai toujours grandi avec ces notions d’agence, de collectif : pour avoir du poids, pour raconter les choses différemment.
Comment avez-vous formalisé la naissance de Hors Format ?
Camille Nivollet : Le fait de s’inscrire en association avec des membres, un bureau : ça légitimise plein de choses. Les premiers mois, on a aussi écrit une charte qui raconte nos valeurs, l’identité du collectif, des individus qui le composent.
Paul Lemaire : À l’époque c’était vraiment très superficiel. On ne savait pas encore exactement quelle était notre pratique.
Camille Nivollet : On a essayé de faire comme les grands, mais c’était une base pour commencer à travailler !
Victorine Alisse : Je me souviens, quand on a bossé sur le site internet : voir nos photos se marier ensemble, voir le diaporama défiler et ces identités différentes réunies, ça avait du sens !
Après quatre ans, vous gardez l’énergie des premiers mois ?
Léo Keler : Depuis le début, on a tous le désir de faire avancer Hors Format en même temps que notre carrière, d’être aussi fier de notre travail que de celui du collectif. On porte le même nom de famille. On ajoute toujours le nom du collectif dans nos crédits.
Victorine Alisse : Et d’ailleurs quand ça n’arrive pas c’est toujours la frustration !
Camille Nivollet : Avec le collectif, tu auras toujours quelqu’un à qui envoyer une photo, qui sera là pour te donner un avis, pour t’écouter, dans un environnement photographique où tu es souvent seul. Quand tu n’arrives pas à te motiver sur ton travail personnel, tu peux toujours faire quelque chose pour le collectif, c’est hyper stimulant. Et voir un pote réussir quelque chose, c’est hyper beau.
Comment diffusez-vous vos travaux ?
Léo Keler : C’est une réflexion complexe et continue : comment se rendre indépendant, comment faire voir nos projets ? Par exemple, Instagram est un outil, alors comment on fait pour se l’approprier ? On a vraiment envie de prendre possession des vidéos, des réels notamment. Chaque année on fait aussi un portfolio collectif qu’on distribue gratuitement.
Les travaux collectifs permettent de faire connaître le collectif ?
Léo Keler : Le premier a être vraiment diffusé, Ce qui nous lie, est venu presque par hasard. Sur Lightroom, je suis tombé sur des images de Paul intercalées entre deux photos à moi. Je me suis rendu compte que quand j’étais en train de photographier dans l’est de la France, lui faisait des photos au Chili. Et on a imaginé des diptyques d’images de photographes du collectif prises le même jour. On en a fait une trentaine en 2022. C’était un travail qui nous a permis de faire vivre nos jeunes archives.
Et ensuite il y a eu Nous n’avons pas grandi ensemble.
Victorine Alisse : C’est la première fois qu’on produisait quelque chose ensemble, avec l’idée de croiser six histoires de jeunes : parler de différentes réalités, de cette transition vers l’âge adulte.
Camille Nivollet : Notre contrainte, c’était de travailler sur la réciprocité de nos âges respectifs. On n’a pas les mêmes parcours, pas les mêmes vies : c’était aussi parler de nous et des questions qu’on a à travers eux.
Victorine Alisse : Camille a travaillé sur les concours de beauté de jeunes hommes, Philémon sur les jeunes rappeurs de la scène toulousaine, Paul sur les immigrés vietnamiens à Marseille, etc. On voulait réunir des parcours de vies qui ne se seraient jamais rencontrées. On a pu présenter ce projet collectif à Arles cette année. On voulait exposer ensemble dans un espace qui soit un lieu de vie pour ceux qui viennent, avec toujours l’idée de rendre nos projets accessibles au plus grand nombre.
Paul Lemaire : Ça a été un an et demi en gestation : pour libérer du temps pour un projet non rémunéré, que tout le monde trouve une thématique. Ça a été très fondateur pour le collectif.
Léo Keler : On a sacrifié pas mal de notre temps personnel et professionnel pour le projet, mais on aime beaucoup le faire. Ça a été dense. Ensuite on a eu besoin de temps pour reprendre nos projets personnels. Maintenant, on a envie de faire vivre ces deux premiers projets. C’est important de penser comment on les fait vivre plutôt que de surproduire.
En parallèle, vous donnez aussi des ateliers d’éducation à l’image ?
Camille Nivollet : Avec mon parcours aux Beaux-arts et en musique, j’ai été amené à faire des ateliers, à créer avec d’autres personnes. Quand on a fondé Hors Format, j’ai proposé qu’on le fasse en photo aussi. J’avais le bagage d’écritures de projets. Et les autres ont tous adhéré. Aujourd’hui, tout le monde participe. L’an dernier c’est Paul qui a porté un projet avec un collège à Romainville dans le cadre des JO. Bientôt, on va travailler avec des étudiants étrangers en croisant sociologie et photographie.
Comment va évoluer la structure du collectif ?
Paul Lemaire : On peut grandir un peu, mais l’idée est de rester petit. On ne se projette pas au-delà de 10. On veut garder ce truc proche, pouvoir se voir. Au-delà d’une certaine taille ça devient compliqué.
Léo Keler : Dans notre charte, on est un collectif à majorité féminine, c’est quelque chose qui est aussi important pour nous, dans un univers encore très masculin.
Camille Nivollet : Les mecs sont plutôt informés et bienveillants, avec des valeurs humanistes. Il y a aussi ce truc de se soutenir, quand il y a un événement de l’un ou de l’autre, on se déplace et c’est pour ça aussi que ça n’a pas vraiment de sens de devenir un gros collectif. Il y a vraiment ce petit cocon où on se soutient, on se voit.
Paul Lemaire : On est à Paris, Marseille, en Bretagne, à l’étranger. C’est important de pas trop se diffuser géographiquement parce qu’on est quand même toujours content de se retrouver !
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