Il fait toujours aussi chaud sur Bamako et le nombre de moutons gras, dont le prix ne cesse de monter à l’approche de l’Aïd ici nommé Battika, augmente de jour en jour et laisse planer dans la poussière une forte odeur de suint.
Tout cela, puisque tout finit par s’arranger, n’a en rien perturbé les inaugurations. Dès dix heures du matin, sous les tentes dressées en U autour du micro sur pupitre, la cérémonie s’est déroulée dans meilleure tradition du respect du protocole. Salutation, discours, pas trop longs – Frédéric Mitterrand tour à tour qualifié de Ministre de la Culture et de la Communication de la France ou Français ou dans d’autres combinaisons astucieuses des quatre termes excelle dans l’exercice, Xavier Darcos, Président de l’Institut Français, plus sobre, ne manque jamais une occasion de rappeler le rôle de la jeune institution dont il a la responsabilité, même s’il est bon de lui rappeler que neuf biennales ont eu lieu en dix-sept ans et non en neuf) et la présence de Madame le Premier Ministre, dans ses beaux habits noir et rouge faisait oublier sans regret l’absence du Président occupé dans l’immense Palais blanc qui domine la ville. Côté toilettes, on ne savait où donner des yeux tant ces dames, souvent graciles et au port élégant, rivalisaient de coquetterie pour un magnifique hommage coloré aux tissus maliens. Malgré la chaleur – toujours elle – et bien que quelques indécrottables vrais-faux artisans et hommes du désert (parfois très beaux) tentent lourdement de fourguer leur quincaillerie en suivant le cortège, tout s’est bien passé. Dans une bonne humeur que l’interprétation de « Auprès de ma blonde » par le groupe musical invité ne put qu’entretenir de façon durable. L’absence de Frédéric Mitterrand au déjeuner de presse ( on le soupçonne, mais ce ne sont que des rumeurs, d’être allé rendre visite au cinéaste Souleimane Sissé, ce qui est parfaitement excusable durant une visite d’à peine vingt quatre heures) ne fut remarquée que par les seuls journalistes. Après cette éclipse il réapparut courageusement pour la tournée des exposions et, le soir, malgré quelques effets larsen intempestifs suivis d’un réglage dévastateur de la sono de l’orchestre qui allait animer la soirée, il prononça, alors que la douceur de l’air avait réconcilié tout le monde avec Bamako, un éloge sensible de Malik Sidibé, qu’il fit Chevalier des Arts et Lettres, pour le plus grand bonheur de l’artiste et de sa dernière épouse, rayonnante dans ses voiles roses. Seul regret, Malik a pris un coup de vieux, a du mal à marcher – à signer ses tirages aussi – est en train de perdre la vue et ne soigne pas vraiment, pas comme il le faudrait en tout cas. Pour ceux qui le connaissent et qui l’aiment, il y avait aussi une certaine tristesse dans ce moment de célébration.
Sinon, au bilan, il faut tirer de ces 9èmes Rencontres où l’on a pu revoir avec plaisir le travail de Philippe Bordas sur les Chasseurs à l’Institut Français, quelques leçons. La première est évidemment la dynamique engagée d’une photographie sur le continent. On a cependant, ne revoyant à plusieurs reprises la riche exposition Panafricaine, le sentiment de redites et l’on se dit que, en allant chercher dans d’autres circuits, ( entre autres dans la presse – ou dans les agences télégraphiques ce qui n’est pas diffusé – ) il doit y avoir encore des découvertes à faire. On se demande comment, dans les pays qui ne sont pas aussi structurés que l’Afrique du Sud, trouver les photographes contemporains qui doivent bien exister.
Cette question se pose d’autant plus que la vraie révélation de Bamako 2011 est patrimoniale (non que les monographiques soient faibles, elles sont exigeantes et excellentes mais on connaît peu ou prou leurs auteurs depuis les deux dernières années). Au Musée National, la découverte de Soungalo Malé introduit à une nouvelle dimension du portrait de studio, bouleversante, tendre, aussi élégante, y compris en raison de la modestie des modèles des villages, que les urbains plus aisés qu’ont illustré Seydou Keita surtout et aussi Malik Sidibé.
On espère que la population, qui ne semble pas vraiment très informée ni mobilisée par la biennale, découvrira pourtant cette partie de son histoire.
Christian Caujolle